La journée d’hier avait mal commencé. J’étais d’une humeur massacrante et je n’avais qu’une envie: jouer les ourses asociales. Mais j’avais prévu de déjeuner avec Sophie, et je ne voulais pas annuler au dernier moment sans autre raison que « Le monde est méchant avec moi; je compte donc bouder sous la couette jusqu’à 14h ». Donc, je suis partie à pied vers la rue de la Loi où elle m’avait donné rendez-vous, en priant pour qu’il ne se mette pas à pleuvoir vu que mon parapluie était resté dans le coffre de la Chouchoumobile après notre excursion du 1er mai.
Jeudi, 12:10. Je longe le trottoir en regardant le numéros en face: « 44: bientôt… 38: ah, j’ai dépassé. Bizarre, je n’ai pas vu de façade de restaurant ». Je dois m’y reprendre à deux fois pour repérer une toute petite vitrine et une minuscule enseigne de brasserie. Et je réussis à entrer par une porte latérale théoriquement condamnée à l’aide d’un rideau en velours rouge, alors qu’une large ouverture se découpe pile face à moi. Hum. C’était juste pour vérifier si le patron suivait. (Réponse: oui; d’ailleurs il me chambre gentiment à ce sujet.)

Sophie est déjà là. Elle connait bien les lieux pour y avoir déjà mangé plusieurs fois. Un petit coup d’oeil à la ronde: jolie salle en enfilade, avec de beaux lustres et un coquet petit jardin dans le fond; dommage que la météo ne se prête guère à déjeuner dehors. Un petit coup d’oeil au menu: que de choix! Et tout a l’air délicieux. Ah mon Dieu, il y a encore toute une ardoise de suggestions du jour. Je n’arrive même pas à me décider entre viandes, poissons et pâtes. Sophie me suggère, puisque (contrairement à elle) j’aime la viande, de goûter la côte à l’os qui est paraît-il fameuse. Soit. J’hésite encore entre la sauce au poivre et celel au roquefort avant d’opter pour la seconde.
Le patron, Français jovial et sympathique (si si, il en reste), vient prendre la commande. Je lui demande ce qu’il a comme vin rouge au verre. « Un côte du Rhône. » Je pousse un soupir déçu. « Oh, j’aurais préféré un Bordeaux avec le boeuf. » Il sourit. « Bon, alors, j’ai un petit quelque chose pour vous. » Il apporte une bouteille ouverte et me sert. Je renifle le contenu de mon verre. « Ca sent bon le cassis. » Le patron a l’air content que j’aie identifié l’odeur fruitée. Je prends une minuscule gorgée. Le goût m’explose dans la bouche. C’est pas mal tanniné mais ça ne râpe pas. Je trouve ça délicieux et réclame à voir l’étiquette. C’est un Saint-Emilion: un château Haut-Saint-Georges. Définitivement le meilleur vin qu’on m’ait servi au verre dans un restaurant. Je suis ravie, et je le dis.
En attendant nos plats (Sophie a pris un saumon aux asperges « mais sans asperges et avec des frites s’il vous plaît »), nous papotons et je déballe mon cadeau d’anniversaire: une jolie trousse fabriquée par une amie de Sophie, dans laquelle sont glissés trois mini-soins pour les ongles OPI. Nos assiettes arrivent: elles sont sans chichis mais extrêmement bien garnies, avec une belle pièce de viande ou de poisson, de jolis légumes qui n’ont pas l’air de sortir d’un congélateur, et un vrai cornet de frites en céramique sur son présentoir métallique. Sans même les goûter, je vois qu’elles sont faites maison. En les goûtant, je me rends compte qu’elles sont cuites à la belge, c’est-à-dire pas dans de la bête huile mais plus probablement dans de la graisse de canard ou du saindoux. Miaaaaaaam. 

Les plats sont très bons et très copieux – mention spéciale à ma sauce roquefort, fine et forte à la fois. En venant prendre notre commande de desserts, le patron a la gentillesse de me faire goûter un second vin rouge, fort bon aussi bien que très différent du précédent (qui reste néanmoins mon préféré). Comme nous n’avons plus très faim, Sophie et moi optons pour la blessée de fraise à la menthe fraîche, une coupe de petites fraises coupées en quatre, très savoureuses, probablement additionnées d’un trait de sirop de canne en plus de la menthe, et surmontées d’une boule de glace vanille. Le simple fait de les renifler est un enchantement, et leur goût ne dément pas la première impression olfactive.
Donc, en résumé: un joli cadre, un service extrêmement chaleureux, de la cuisine simple mais de grande qualité. Je ne m’attendais absolument pas à trouver un restaurant où il fait aussi bon manger dans ce quartier des affaires plutôt tristounet. J’attends maintenant avec impatience qu’un rayon de soleil pointe le bout de son nez pour réserver une table dans le jardin et faire partager cette belle découverte à Chouchou un jour où il ne travaillera pas. Car le Primus Lex a tout de même un défaut: étant donné son emplacement et sa clientèle, il n’est ouvert que le midi en semaine.
Bon, en fait, je crois que je ne vais pas venir te voir à Bruxelles, parce que sinon j'aurais envie d'aller manger dans plein de restaurants et je prendrais 10 kilos sur mon séjour (qui pourrait bien durer au moins 15 jours vu que la liste de points d'intérêt ne cesse de se rallonger).
En plus, il faut penser au pauvre Chouchou. Deux Isa à supporter pendant plusieurs jours, je ne sais pas s'il y survivrait…^^
Chouchou est solide et il a beaucoup d'expérience en matière d'Isas. Ne l'utilise pas comme prétexte pour te dégonfler ^^