La plus émouvante des géocaches

Dimanche, comme la veille, le soleil brillait dans le ciel nantais et la température était exceptionnellement clémente pour un mois de novembre. Dédaignant les transports en commun, mon amie Gren O&L et moi nous sommes dirigées à pied vers le centre-ville. J’avais noté, dans mon fidèle carnet, les indices relatifs à trois géocaches dont les fiches me semblaient suffisamment explicites pour qu’on puisse les trouver même sans GPS. Les deux premières que nous avons tentées, près de la cathédrale et de la place Louis XVI attenante, étaient de simples boîtes à pellicule contenant juste un logbook et fixées au moyen d’un aimant à un panneau de signalisation. Du super-classique. La troisième, par contre…

La troisième cache se trouvait dans le passage Pommeraye, une très belle galerie marchande sur trois niveaux qui relie la rue de la Fosse, près de la place du Commerce, à la rue Santeuil, située non loin de la place Graslin. Construit dans les années 1840, c’est un endroit splendide, plein de cachet et d’adorables magasins. Sous un escalier, un dragon de métal gardait un container de taille 2 que nous n’avons pas eu de mal à découvrir et à emporter à l’extérieur pour en examiner le contenu sans attirer l’attention des rares promeneurs.

Une mini-boîte de Smarties renversée (on n’est pas censé mettre de nourriture dans les géocaches, mais la vision des bonbons multicolores était si gaie que je n’ai pas eu le coeur d’en vouloir au contrevenant), une boucle d’oreille dorée, un pass du festival des Vieilles Charrues, une tétine de plastique jaune accrochée à des tortillons de bolduc… et au milieu de ces broutilles sans valeur qu’on trouve habituellement dans les géocaches, deux objets bien plus insolites et plus touchants. Le premier était un dessin; le second, une lettre rédigée en anglais.

« Salut. J’en ai marre de cette situation. J’en ai marre de nous. J’en ai marre d’être seule les jours d’automne et d’hiver. Marre de voir des couples partout et de n’avoir que ma propre main à tenir. Je suis presque sûre que tu t’en doutes depuis un bout de temps déjà, mais je vais le dire quand même. Tu me plais. Tu me plais beaucoup. Plus que comme un ami. Et je déteste ça, parce que c’est exactement la façon dont tu me vois: comme une amie. Comme la seule fille à qui tu peux parler de jeux vidéo, de manga et d’anime. Et même si j’adore discuter d’Ao no Exorcist avec toi, et répéter combien on déteste cette fille de notre classe, je ne peux m’empêcher d’être triste. Parce que je sais que c’est tout ce que nous serons jamais: des amis. Il y a quelques jours, tu m’as demandé pourquoi j’étais triste et je ne t’ai même pas répondu. Si jamais tu lis ceci, tu sauras. D’un autre côté, ce n’est qu’un bout de papier quelconque, planqué dans une boîte quelconque sous un escalier quelconque. Mais je voulais l’écrire quand même.
Bien à toi,
Cette fille assise à côté de toi en classe.
PS: Oh, et aussi, le noir te va vraiment bien. Tu devrais en porter plus souvent. Et tu as les plus beaux yeux que j’aie jamais vus chez un garçon. Tu devrais t’aimer davantage.
3 octobre 2011, Nantes ».
Cette lettre m’a énormément touchée, sans doute parce que j’aurais pu l’écrire quand j’étais ado. Le côté bonne copine, les centres d’intérêt plutôt masculins, et même la petite affectation qui consiste à écrire en anglais – c’est tout à fait moi vers 15 ans. Mes archives d’époque contiennent plusieurs missives semblables, pleines d’amour à sens unique, d’exaltation et de désespoir mêlés. C’était comme si un fil invisible me reliait à l’auteur de celle-ci par-delà les 25 ans qui nous séparent probablement.
Je n’ai pas pris la lettre de la jeune inconnue. J’aurais eu l’impression de voler une correspondance privée. J’ai juste capturé l’image de ses mots avant de la remettre doucement dans la boîte, remplie d’une émotion qui m’avait cueillie par surprise là où je m’y attendais le moins.

7 réflexions sur “La plus émouvante des géocaches”

  1. Très jolie lettre. J'ai quelques années de plus qu'elle mais je parle toujours manga, jeux vidéo et anime et j'ai la chance d'avoir quelqu'un qui me tienne la main. J'espère qu'il en ira de même pour cette jeune fille.

  2. Ha, le Passage Pommeraye… *Soupir nostalgique*
    La lettre est très touchante.

    Mélusine

  3. Je n'ai pas souvenir de l'avoir vu un jour aussi vide, le passage Pommeraye… Mais je n'y vais plus beaucoup, c'est un lieu de perdition pour ma CB!!
    … si ça se trouve, il est amoureux aussi et… (désolée, la douceur du swap de Lady Pops me monte à la tête!! ;-))

  4. C'était dimanche, tous les magasins étaient fermés…
    (Et, oui, ce serait bien qu'il soit amoureux aussi ^^)

  5. Une bien jolie lettre en effet! Mais euh c'est quoi une géocache… (Clochette la quiche, le retour!)
    Bonne journée

  6. je vais aller jeter un coup d'oeil! merci! J'adore l'idée de partir à la chasse aux trésors!
    Merci encore bonne journée!

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