L’angoisse du départ

A l’heure où vous lirez ces lignes, je serai quelque part dans les airs entre Bruxelles et Stockholm, prête à savourer mes brèves vacances suédoises.
Ou pas.
Je suis toujours hyper stressée les veilles de départ en voyage. Qu’il s’agisse d’un road trip de trois semaines aux USA ou d’un simple week-end prolongé dans une capitale européenne, le scénario est toujours le même. Craignant d’avoir mal programmé mon réveil¹ ou de ne pas l’entendre quand il sonnera, je n’arrive pas à m’endormir. Je me tourne et me retourne dans mon lit comme aux plus belles heures de ma période insomniaque, pour finir par sombrer dans un sommeil superficiel trois quarts d’heure avant le moment où je devrai me lever. Ce sont les seules occasions où à peine les yeux ouverts, je suis déjà verticale et en mouvement. Ma valise est bouclée depuis belle lurette, mais je dois encore boire mon thé en surfant sur internet, me laver et enfiler les vêtements préparés la veille. Je pense d’ailleurs que ma salle de bain a été construite sur une fissure de l’espace-temps: chaque fois que j’en sors, je jurerais que j’y ai passé dix minutes montre en main; en général, c’est près du triple.
Donc, je commence à stresser. J’ai prévu très large pour me rendre à l’aéroport, mais… Et si le bus est retardé par des embouteillages? Et si un égoïste s’est jeté sur les rails du métro? Et si un arbre s’est couché en travers de la voie de chemin de fer qui relie Bruxelles à Zaventem? Sans compter qu’à peine l’escalier descendu, alors que je suis en train de remonter la rue en traînant ma valise (alias « le monstre turquoise ») derrière moi, je commence à douter d’avoir bien verrouillé la porte de l’appartement. Je flippe à l’idée que le congélateur soit mal fermé et que tout son contenu pourrisse en notre absence. Je me demande si je n’ai pas oublié un truc essentiel, genre passeport ou carte Visa².
Arrivée à l’aéroport, je regarder le monstre turquoise disparaître sur le tapis roulant avec l’angoisse qu’il s’envole pour Tombouctou plutôt que pour la même destination que moi³. Et après avoir longtemps été d’un zen inébranlable en avion, y compris pendant les grosses turbulences ou les annonces que « nous allons devoir nous poser en catastrophe à Toronto parce qu’un de nos réacteurs est en panne et que les autorités américaines nous refusent la permission d’atterrir sur leur sol », je tends depuis quelques années à imaginer mon avion se crashant au milieu de l’océan. Oui, même entre Bruxelles et Genève.
Pour me distraire pendant le vol, je liste tout ce qui pourrait clocher à l’arrivée: taxi fou furieux qui manque me tuer en grillant un stop⁴, hôtel ne trouvant pas trace de ma réservation⁵, ville envahie par les touristes⁶ ou horriblement décevante⁷, pluie continuelle pendant tout le séjour⁸… Quand on veut bien y mettre de la bonne volonté, les raisons de s’inquiéter ne manquent pas. Un voyage, c’est toujours une aventure. On ne peut jamais prévoir ce qui arrivera. Parfois, même, tout se passe bien, et c’est l’horreur. Parce qu’on n’a plus qu’une seule envie: repartir.
¹ Paris, novembre 2004. Je devais me lever à 9h pour prendre mon train; j’avais réglé mon réveil sur 09:00PM. J’ai ouvert un oeil à Vitry-sur-Seine, vingt minutes avant le départ de mon TGV gare de Lyon. Fail.
² En mai 2006, je suis partie avec des amis faire Miami-Los Angeles en voiture. Sans mon permis de conduire.
³ Noël 2009, Chouchou et moi avons passé 4 jours à Toulouse sans nos bagages qui n’avaient pas embarqué avec nous. J’adore être obligée d’acheter des packs de culottes et de chaussettes en catastrophe, et devoir emprunter le sweat-shirt Betty Boop qui traîne dans le placard de ma mère depuis 30 ans au bas mot.
⁴ Las Vegas 2005, mais aussi San Francisco la même année ou Istanbul en mars dernier. Toutes les différences culturelles s’abolissent devant la dangerosité universelle de la confédération des chauffeurs de taxi.
⁵ Londres il y a une dizaine d’années. Obligée de repayer une chambre déjà débitée sur ma carte Visa et de me faire rembourser au retour par le site internet négligent.
⁶ Prague, juin 2009. J’ai traversé le pont Charles dix fois sans réussir à en voir les côtés à travers la foule.
⁷ Istanbul en mars dernier, donc.
⁸ Toscane, juillet 2003 (je crois). L’Homme et moi étions partis en moto. L’Italie a connu cette semaine-là des inondations historiques, qui ont fait plusieurs morts. Epic fail.

5 réflexions sur “L’angoisse du départ”

  1. Très inspiré ce billet!
    Lectrice de l'ombre, pour une fois je commente pour vous souhaiter un bon trip à Stockholm!
    Que tout se passe bien, ou pas…

  2. Toi aussi tu as une faille spatio temporelle dans ta salle de bain? Je ne suis donc pas seule ! Ouf…il va falloir faire appel au Doctor Who ^^
    J'espère que ton voyage c'est bien passé! Profite bien.

  3. Le coup de l'oubli de document important: check.
    Partie aux USA avec 1 semaine à NY puis 1 semaine en Caroline du Nord chez ma cousine (où j'avais besoin de la voiture), je me rends compte à NY que je n'ai pas pris mon permis.
    Pour le coup j'ai béni DHL et mon père qui me l'ont expédié chez ma cousine à temps…

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