La thérapie conjugale en 7 séances

En mai, suite à une Nième explosion spectaculaire de Chouchou, j’ai suggéré, puisque nous ne parvenions pas à régler ce problème seuls, de faire appel à une tierce personne neutre. Je ne suis pas du tout une fana des psys, mais je ne voulais pas vivre avec la perspective de l’explosion suivante suspendue au-dessus de ma tête telle une épée de Damoclès. Il fallait que quelque chose change.
Miss Sunalee a suggéré une thérapeute qu’elle avait consultée à titre individuel des années auparavant, mais qui exerçait toujours et qui recevait aussi des couples en difficulté. « Tu verras, elle propose des solutions très concrètes », m’at-elle dit. Ca me convenait; j’ai pris notre premier rendez-vous pour un vendredi soir de début juin. Depuis, nous y sommes allés sept fois, et nous avons annoncé vendredi dernier notre intention d’arrêter là pour le moment. C’est un petit bilan de cette expérience que je vous propose ici. Il me semble que la thérapie conjugale reste quelque chose d’un peu honteux auquel les gens n’osent pas avoir recours, ou sont gênés d’admettre qu’ils ont recours – alors que les couples parfaits qui roulent toujours tout seuls et sans friction, ça n’existe pas.
Trois de ces séances – les deux premières et l’avant-dernière – ont été extrêmement dures pour moi. J’ai eu l’impression de me faire jeter à la tête des reproches infondés, injustes ou dont il n’avait jamais été question jusque là. Je suis tombée de haut, au point de me dire que la relation essentiellement harmonieuse que je croyais avoir avec mon compagnon n’était qu’un fantasme et n’avait en fait jamais existé. Je sais que je ne suis pas parfaite et, notamment, que mes brusques sautes d’humeur peuvent être difficiles à supporter pour la personne qui partage ma vie. Mais tout ce que je demande quand je vais mal, c’est qu’on me laisse mariner dans mon coin jusqu’à ce que je touche le fond et décide de remonter à la surface par mes propres moyens, ce qui ne tarde jamais beaucoup car je ne suis pas du genre à me complaire dans l’auto-apitoiement. Je ne comprenais pas pourquoi mon compagnon ne pouvait pas m’accorder cette liberté, pourquoi il se sentait nécessairement tenu de me « rattraper » de force alors que je ne lui réclame rien dans ces moments-là, pourquoi il voulait absolument me faire partager certaines expériences ou opinions qui ne m’aidaient pas, ou me pousser à adopter des solutions qui lui ont convenu quand il était confronté à des problèmes similaires, mais qui ne me correspondent pas du tout.
Par ailleurs, j’ai été stupéfaite de découvrir à quel point il m’en voulait de ne pas porter de montre et de ne jamais penser à recharger mon téléphone portable, ce qui faisait de lui le « gardien de l’heure » dans notre couple. J’ai argué que je me débrouillais toujours pour être extrêmement ponctuelle; il a répliqué que oui, pour ça comme pour l’informatique, j’y arrivais en m’appuyant sur lui, et que moi qui me proclamais fièrement autonome, je ne l’étais en réalité pas du tout. J’ai répliqué que s’il ne pouvait ou ne voulait pas me donner l’heure, je pouvais toujours la trouver autrement, et qu’effectivement je suis nulle en informatique, mais que personne ne sait tout et que lui-même serait bien obligé de faire appel à quelqu’un d’autre s’il avait un problème d’électricité ou de plomberie. Bref, ça a beaucoup crié pendant ces séances, et je crois que c’est l’une des premières fois où j’ai osé élever la voix en retour parce que je me trouvais dans un cadre sécurisant et que je savais que ça ne pouvait pas (trop) dégénérer.
Du déballage, il y en a eu, et pratiquement que du côté de mon compagnon. Moi? Quand quelque chose m’énerve, ou bien je décide que ça n’est pas important et je laisse filer, ou bien je le dis en expliquant pourquoi je préfèrerais que les choses soient autrement. Du coup, j’ai passé toute cette thérapie à encaisser des attaques et à me défendre. Ca m’a franchement épuisée, et à la fin, je saturais. Je ne suis pas certaine que tout ait été dit, et je soupçonne que nous devrons probablement retourner chez la psy un jour, mais pour le moment, j’avais atteint le maximum de ce que je pouvais encaisser. Nous avons largement matière à travailler, chacun de son côté ou ensemble, durant les mois à venir.
J’ai pris conscience que non, mes états d’âme n’appartiennent pas qu’à moi, qu’ils ont des répercussions importantes sur la personne qui partage mon quotidien et que de ce fait, je dois m’efforcer de les maîtriser un minimum. Maintenant que je sais combien cette histoire d’heure ennuie Chouchou, je vais faire attention à avoir toujours mon GSM chargé avec moi. Et pour l’informatique ou la photo, au lieu de redemander dix fois la même chose, je vais tâcher de prendre des notes. Pour sa part, Chouchou a admis qu’il y avait une colère immense en lui, une colère qui prend sa source dans un passé douloureux et que, malgré dix ans de thérapie individuelle (EMDR, hypnose…), il ne parvient toujours pas à contrôler. Cette colère n’est pas de mon fait même s’il m’arrive involontairement de la déclencher en appuyant sur un mauvais bouton. Et j’aurai beau marcher sur des oeufs en permanence, je ne parviendrai jamais à éviter tous les mauvais boutons de Chouchou qui sont nombreux et sensibles, surtout en période de stress. Or, son travail le stresse quasi constamment… La gestion de la colère est donc une chose à laquelle il doit travailler de son côté.
En ce qui concerne nos rapports de couple, la psy a fait une suggestion toute simple mais dont nous avons déjà pu tester l’efficacité: malgré la petite taille de notre appartement, nous devons mettre de la distance entre nous quand ça ne va pas, et ne pas hésiter non plus à le faire même quand tout va bien. C’est tout bête, mais c’est vrai que le fait de se mettre, lui dans la salle à manger sur son iMac et moi dans la chambre avec mon MacBook ou un livre quand il y a de la tension entre nous, nous permet de nous ressourcer séparément et de laisser retomber cette tension au lieu de l’entretenir en nous surveillant du coin de l’oeil, chacun attendant que l’autre fasse le premier pas. Et même les soirs normaux, j’ai cessé de penser que je devais rester à la salle à manger pour profiter de la présence de Chouchou. J’ai pris l’habitude d’éteindre mon portable dès que j’en ai fini pour ce jour-là, et d’aller lire au lit souvent une heure avant qu’il soit prêt à me rejoindre. Résultat: je glande moins sur internet, ma PAL descend à vue d’oeil et nous ne partageons pas moins de choses finalement puisque Chouchou reste toujours à portée de voix.
Nous sommes deux personnes compliquées qui trimballent pas mal de casseroles chacune de son côté, même si je pense que celles de Chouchou sont beaucoup plus difficiles à gérer que les miennes. Si pénible qu’elle ait été pour moi, cette thérapie a permis de déballer un certain nombre de choses qui avaient besoin d’être dites et qui, jusque là, étaient restées informulées ou non-entendues. Nous avons pris conscience que nous ne sommes plus les mêmes personnes qu’aux débuts de notre histoire, il y a presque cinq ans, et que continuer à baser notre façon d’agir sur ce qui a pu se passer à l’époque est une mauvaise idée. En concluant, la psy nous a félicités pour notre honnêteté émotionnelle (comprendre: nous avons été tellement bavards tous les deux qu’elle a dû lutter sans cesse au cours de nos séances pour en placer une ^^). Je suis bien contente d’avoir entrepris cette démarche dont les effets positifs se font déjà sentir sur notre couple. Je ne suis malheureusement pas certaine que nous ne devrons pas reprendre notre travail là où nous l’avons interrompu, plus tard… mais au moins, nous savons maintenant que pour 55 euros de l’heure, nous pouvons obtenir une aide efficace quand nous sommes arrivés au bout de nos propres moyens.
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10 réflexions sur “La thérapie conjugale en 7 séances”

  1. Tout cela est éclairant. Merci. Et "bonne continuation", comme on dit 🙂
    Concernant l'appartement, ça me rappelle mon critère de sélection de notre premier nid: des portes à claquer en cas de besoin! Mais c'est vrai que j'ai cette même idée bizarre qu'il est obligatoire d'être côte à côte lorsqu'on est à l'appart, pour passer du temps ensemble alors que souvent il ne se passe rien et que je pourrais aller m'occuper ailleurs…

  2. Merci pour le texte Armalite.

    J'ai lu la phrase concernant le téléphone portable avec un soupçon de culpabilité…(J'ai horreur des telephones. Le mien passe sa vie de téléphone déchargé. )

    Et sinon, je pense que la fin du monde va bientot arriver vers Bxl, vu ce qu'on prend à Miniville la..

  3. J'ai connu la même mésaventure dans mon couple il y a quelques années. Certains détails banals de part et d'autre pouvaient exaspérer l'autre, sans que le "fauteur de trouble" n'ait conscience de ce que cela provoquait. Des séances de psy nous ont finalement aidés à découvrir cela, et chacun fait maintenant attention aux petits riens qui changent parfois tout…
    Une chose dont tu ne parles pas (et je comprendrais que tu n'y répondes pas car c'est assez intime) : le sexe. Ce passage a-t-il modifié votre sexualité ? Y a-t-il des choses que vous ne faites plus à cause de ça ? Je demande ça, car de notre côté, cela a eu au contraire un effet bénéfique. Inconsciemment, chacun faisait de son mieux pour faire plaisir à l'autre dans ce domaine, et cela m'a permis de proposer, découvrir et finalement ne plus pouvoir me passer de certaines choses que je refusais jusqu'alors (et il paraît qu'aux USA, c'est encore interdit dans certains états ;-))
    En tout cas, merci de nous avoir fait partager cette expérience, cela me conforte dans l'idée que demander parfois de l'aide n'est pas une honte…

  4. Effectivement, vu que mes amis et ma famille me lisent, je ne vais pas détailler notre sexualité, mias je dirais que ça ne l'a pas modifiée dans quelque sens que ce soit.

  5. Myriam, qui n'est plus une elfe fée

    Un grand merci pour ce partage d’expérience. Je t'avais déjà fait part de ces coïncidences qui semblent me lier à toi. Je ne réussis toujours pas à trainer mon homme en thérapie. Ces éclats de colère, devoir marcher continuellement sur des œufs c'est mon quotidien aussi. Merci pour l'astuce "pièces séparées". Quand ça crie fort en général il s'en va dans la chambre. Je préfère ça, plutôt que de nous ignorer mutuellement dans le salon. Là tout de suite maintenant, je t'envie d'avoir su l’emmener en thérapie. Moi je vais essayer de faire sans …

  6. Ça me fait plaisir de lire des choses positives à ce sujet 🙂 Je vous souhaite que votre relation se poursuive dans un bon sens.

    Mélusine

  7. C'est fabuleux, tu parles de l'intime sans être impudique, de ce qui est compliqué avec des mots simples. Au final, je suis contente pour toi et je me dis que si, non que quand nous retomberons dans une spirale infernale, je pourrais t'appeler pour avoir le numéro de ton psy et que ton histoire me donnera de l'espoir et ça c'est énorme. merci. Sophie

  8. Quand tu as dit que tu arrêtais la semaine passée, j'étais un peu inquiète, mais ce texte me rassure et je suis heureuse pour vous que la psy ait réussi à débloquer une série de choses.
    Bon courage pour la suite !

  9. Cécile de Brest

    C'est une démarche que j'admire dans un certain sens parce que je ne pense pas avoir un jour le "courage" de franchir ce cap de consulter. Ce qui est idiot puisque ça peut tout arranger parfois…
    Chez nous, ce serait plutôt moi qui aurais un caractère pas facile, des tendances à exploser comme ça, pour rien. Quant à mon mari, il garde tout pour lui et ça, ça m'énerve !!!

  10. Ca me fait penser à la série américaine "Tell me you love me"… Encore une bonne série d'HBO…

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