Où je passe ma soirée avec une équipe d’esturgeons

Quand j’étais en 4ème, un nouveau venu a débarqué dans mon collège de quartier. Il était blond avec des yeux bleus; il avait une mobylette et il arrivait du Canada où son père avait longtemps bossé comme entraîneur d’une équipe de hockey sur glace. Sport qu’il pratiquait aussi. Dès le premier match de la saison, la moitié des filles de ma classe squattaient les gradins de la patinoire locale pour admirer Yann H. en action. Et, oui, j’étais dans le tas. Ce fut le prélude de deux années passés à faire les devoirs d’un type qui avait presque 4 ans de plus que moi et qui ne m’a jamais considérée autrement que comme sa petite soeur – l’inauguration d’une longue série de craquages pour des sportifs à belle gueule et à QI minuscule. Grumpf.
Samedi après le déjeuner, alors que tout le monde s’efforçait de digérer une choucroute plus que chargée en vin blanc, Soeur Cadette a proposé que j’accompagne sa petite famille pour assister au match de hockey sur glace entre l’équipe de Toulouse et celle de Valence. Je me suis fait tirer l’oreille. « Je te jure que c’est beaucoup plus sympa que le foot ou que n’importe que autre sport de balle. Ca va vite et il y a une chouette ambiance », m’a-t-elle promis. « Tu as déjà vu un match en live? » Justement, oui. « Et tu en avais pensé quoi? » Euh, honnêtement, il ne me semble pas avoir prêté une grande attention au jeu. « Allez, viens! Tu n’as qu’à emporter un bouquin pour t’occuper si ça ne te plaît pas. Ou je viendrai avec toi au bar boire un verre. Au pire, je te ramènerai à la maison. Allez, vieeeeens. » J’ai fini par dire oui juste pour avoir la paix.

Nous sommes arrivés pendant l’échauffement des équipes. Pendant que je bavardais avec Soeur Cadette en attendant le début du match, un palet a fusé hors de la patinoire et violemment percuté un siège vide deux rangées plus bas. Des morceaux de plastique gris ont jailli, et je suis devenue toute pâle. « J’aurais aussi bien pu me le prendre dans la tête! » Soeur Cadette m’a rassurée: selon elle, les accidents sont rares. « Cela dit, cette patinoire est la seule du département qui ne soit pas équipée de barrières de protection transparentes, parce que les responsables ne veulent pas devoir les démonter chaque fois qu’il y a une autre activité. » Génial. Vraiment génial. Ca ne m’angoisse pas du tout du tout. Accessoirement, ça ne me rappelle en rien qu’il est toujours possible qu’une comète sortie de nulle part percute la Terre et déclenche un scénario d’apocalypse sans que Bruce Willis puisse faire quoi que ce soit pour nous sauver.
…Allez, une petite série de respirations yujaya pour la dame.
A 18h, des pom-pom girls sont entrées sur la patinoire pour encourager l’équipe locale des Belougas. Pas évident de faire une chorégraphie sympa en ne remuant que les bras. Le clou du spectacle a tout de même été l’apparition d’un esturgeon en peluche géant venu se trémousser au milieu de ces demoiselles. Ma consternation intérieure a cru, et j’ai tendu la main vers mon sac pour vérifier que j’avais bien emporté un bouquin.

Et puis le match a commencé, et j’ai dû admettre que Soeur Cadette avait raison. Que même pour quelqu’un de pas du tout branché sport, le hockey sur glace, c’est fun à regarder. Les actions sont très rapides; les joueurs filent dans tous les sens et se castagnent occasionnellement de manière plus ou moins discrète; il y a des gamelles et des mêlées; les lignes changent toutes les cinq minutes et on n’a pas vraiment le temps de s’ennuyer. En plus, entre les tiers-temps (20 minutes chacun), on peut aller se chercher du Coca dans des gobelets de carton et des frites un peu molles mais dégoulinantes de ketchup dans une petite barquette plastique. Miam.
Ce soir-là, les 1300 places dans les gradins étaient toutes occupées, essentiellement par des spectateurs venus en famille, si bien qu’il régnait une atmosphère enthousiaste et bon enfant. A chaque belle action des Belougas, les gens criaient et se mettaient debout; à chaque décision d’un des arbitres en faveur de l’équipe adverse, ils protestaient et levaient les bras au ciel d’un air excédé. A la fin, j’étais debout avec eux quand les Toulousains marquaient un but, et je secouais la tête comme pour dire « Rha, dommage » quand les Valen… les joueurs de Valence remontaient au score. Après, paraît-il, une suite de sept défaites, les Belougas l’ont emporté par 8 à 6. Allez savoir: peut-être que je leur ai porté bonheur!

4 réflexions sur “Où je passe ma soirée avec une équipe d’esturgeons”

  1. Tu me rassures, mon pote québecois veut me traîner à la patinoire et j'ai peur, très peur…

  2. Alors si c'est pour un match de hockey, tu peux y aller, j'ai trouvé ça vraiment fun! Si c'est pour patiner alors que tu ne sais pas: prévois une culotte rembourrée ^^

  3. J'ai eu la chance de pouvoir assister à quelques matches des Dragons (Rouen) et si au départ, j'y allais pas très motivée, j'ai vraiment bien accroché! Bonne ambiance et spectacle assuré!
    par contre, la patinoire est équipée de barrière transparentes, c'est vrai que ça rassure^^

  4. C'est bien un belouga pas un esturgeon lol (t'es trop accro aux produits de luxe A-M ^^ )

Les commentaires sont fermés.

Retour en haut