Grand bas et petit haut

Hier a été l’une des pires journées de ma vie. Mon père a appris qu’un de ses cousins, très malade depuis longtemps, était décédé dans la nuit. A cette mauvaise nouvelle sont venues s’ajouter les premières brûlures de la radiothérapie. Résultat: une crise horrible qui a duré quasiment sans discontinuer de midi à minuit, pendant laquelle mon père a pleuré comme jamais et dit des choses auxquelles je ne veux même pas repenser. Selon lui, les médecins ne faisaient qu’agraver son mal au lieu de le soigner, et il parlait d’arrêter le traitement. J’ai tenté de le convaincre d’accepter l’hospitalisation, arguant que que sa douleur serait mieux gérée qu’à la maison, mais cette idée l’a jeté dans un paroxysme de désespoir. Il souffrait tant, physiquement et moralement, que j’ai eu peur que son coeur lâche.

A dix heures du soir, j’ai donc filé voir ses voisins de dessus et amis, qui malheureusement connaissent bien le problème du cancer puisque la première femme du monsieur en est morte et que le fils de la dame a été traité pour une tumeur au cerveau il y a quelques années. Sachant que la dame, en particulier, a beaucoup d’influence sur mon père, je souhaitais qu’elle lui parle à un moment où il irait « bien » pour le convaincre d’accepter l’hospitalisation, au moins quelque temps. Mais elle a proposé autre chose: le recours à une magnétiseuse apparemment très connue sur Toulouse, qui traite énormément de patients atteints de cancer pour leur (je reprends son expression) « enlever le feu » de la radiothérapie.

Bien entendu, mon père est tout à fait réfractaire aux médecines alternatives qu’il tient pour du charlatanisme. (Moi-même, je suis extrêmement sceptique, mais à ce stade, si on me disait que le jus de schtroumpf peut le soulager, je partirais en forêt déguisée en botte de salsepareille et armée d’un gros marteau.) Je me demandais donc comment nous allions le conduire à un rendez-vous contre son gré. Annick, la voisine, a proposé de passer le chercher, de l’emmener à sa séance de radiothérapie et de s’arrêter chez Lalie la magnétiseuse sur le chemin du retour. Soit. Mais cet après-midi, elle a appelé pour dire qu’elle ne pourrait finalement pas: elle avait oublié qu’elle avait des billets pour aller à l’opéra ce soir.

J’ai pensé que c’était fichu… puis le gentil taxi qui conduit désormais mon père à la clinique Pasteur a dit qu’il connaissait bien Lalie, que les ambulances faisaient la queue devant chez elle et qu’elle obtenait de très bons résultats. Du coup, mon père s’est quand même laissé traîner là-bas. Et comme on pouvait s’y attendre, il s’est prêté à la séance de mauvaise grâce, en bougonnant tout du long que ça ne servait à rien et en se montrant limite insultant envers Lalie. N’empêche que trois heures et demie se sont écoulées depuis la fin de sa radiothérapie (contre à peine deux heures hier avant le déclenchement de sa crise horrible), et que là, il regarde paisiblement la télé sur le canapé. J’espère qu’il en tirera les conclusions qui s’imposent, mais j’ai du mal à y croire.

10 réflexions sur “Grand bas et petit haut”

  1. Tu traverses des moments extrêmement difficiles, et pourtant, la vision de ton déguisement pour chasser le schtroumpf m'a fait éclater de rire 😉 Courage et beaucoup d'ondes positives pour ta famille et toi.

  2. Ouais, je me suis fait rire toute seule en m'imaginant en personnage de bédé, avançant sur la pointe des pieds dans la forêt avec un filet à papillon dans une main et un énorme maillet dans l'autre 🙂

  3. Les "coupeurs de feu" sont légions en Suisse (dans les parties catholiques en tout cas). Moi non plus je n'y crois pas. Du tout. Sauf que ça marche.

    J'ai évité deux séquelles de brûlures graves avec deux simples coups de téléphone.
    Les infirmières ont les numéros de "coupeurs de feu" et autres détenteurs du secret dans tous les hôpitaux du pays.

    Personne n'en parle, mais ça "se sait". Et ça marche.

    Donc, non, je n'y crois pas. Mais ça marche.

    (Et sinon, je pense souvent à toi et tente de t'envoyer quelques énergies positives quand des petits riens quotidiens me font sourire. Les filles du forum de méssantes trollesses te citent souvent aussi. Bon courage !)

  4. Je te lis sans beaucoup commenter en temps général, mais depuis ces dernières semaines, je voulais t'envoyer pleins d'ondes positives et du courage dans ces instants vraiment difficiles. Pensées. ça ne vaut pas grand chose, mais enfin…

  5. Coucou Armalite – tes billets me touchent beaucoup ces jours-ci, je trouve ca tres courageux d'arriver a etre la pour ses proches quand on est soi-meme petrifiee de trouille… Ton pere a beaucoup de chance de t'avoir en soutien. Comme beaucoup l'ont deja dit, prends soin de toi aussi quand tu le peux pour tenir la longueur.

    Bon courage.

  6. En Franche-Comté on appelle ces gens des "barreurs". Mon petit neveu avait eu le pied brûlé à l'âge de 10 mois et ça a marché, il s'est arrêté de pleurer quasi à la minute, idem pour d'autres personnes de mon entourage. Je n'y vois rien de surnaturel, je pense que certaines personnes savent mobiliser leur propre magnétisme pour, en l'ocurrence, soulager.
    Courage à ta famille et à ton papa qui souffre vraiment beaucoup, c'est affreux de se sentir aussi impuissant quand quelqu'un a si mal. Je t'embrasse bien fort.

  7. Armalite,
    Nous sommes très différentes mais je passe de temps à autre sur votre blog.
    Courage ! Votre père a de la chance de pouvoir se reposer sur vous. Vous êtes une femme forte et j'admire cela.
    Certains de vos lecteurs le font peut-être sans vous le dire, mais je voudrais vous dire que je porterai ce soir votre papa dans ma prière. Même si cela vous paraît bête, c'est ma manière de vous manifester du soutien.
    Je demande pour lui et pour vous la force et la joie du Christ Ressuscité, et dans l'épreuve comme dans les moments que vous allez passer en famille (à l'occasion de la maladie…), la paix du coeur.
    Si votre père est croyant, j'ai peut-être quelque chose pour lui.
    M.

  8. Aucun problème 🙂
    Les prières en tout cas, si elles ne vous font pas de bien, ne vous feront pas de mal.
    Courage et confiance !
    M.

  9. Qu'importe si c'est bizarre, pourvu que cela fonctionne et que ton père soit soulagé…je pense
    à toi et surtout, fais attention
    à toi. Sylvie-québec

Les commentaires sont fermés.

Retour en haut