Un dîner au Pays des Merveilles

Parmi les incontournables dans notre liste de choses à faire au Japon durant ce séjour, il y avait la visite d’un café ou d’un restaurant à thème, avec décor extravagant et serveuses déguisées. L’étude approfondie d’un livre très bien documenté sur ce thème nous avait permis de sélectionner deux établissements tentants à tous points de vue: le Vampire Café et le Alice in Wonderland Fantasy Dining, tous deux situés dans le quartier chic de Ginza. Craignant qu’il y ait un dress code informel dans le premier, nous avons demandé au réceptionniste de notre ryokan de réserver pour nous dans le second.

La première chose dont nous avons été informés, c’est qu’en tant que gaijins, nous devrions payer un supplément de 600 yens plus 10% du montant de nos consommations. D’indignation, j’ai failli renoncer à y aller. Vous imaginez, si un établissement français annonçait quelque chose comme « chez nous, les niaquoués (car « gaijins » est souvent employé dans un sens péjoratif…) raquent plus cher »? Il aurait toutes les associations de consommateurs plus SOS Racisme sur le dos, et à juste titre! L’immense courtoisie dont les Japonais font preuve vis-à-vis des touristes fait parfois oublier leur profonde xénophobie; ce genre d’incident la rappelle de manière fort désagréable et laisse un goût un peu amer.

Néanmoins, Chouchou était super motivé, et comme on ne refuse rien à un homme qui a 40 ans dans deux jours et qu’on aime tendrement, j’ai décidé de m’asseoir sur mon indignation pour l’accompagner quand même. C’est sous une pluie battante et avec des indications fort vagues que nous nous sommes mis en quête, hier après-midi, du Taiyo Building. Une série de suppositions éclairées couplées à un peu de chance nous ont permis de le localiser malgré nos craintes. Nous avons fait l’ouverture: le service de 19h, nous avait-on dit au téléphone, était complet; nous avons donc dû nous résoudre à dîner à… 17h.

Au 5ème étage du Tayio Building, les portes de l’ascenseur se sont ouvertes directement dans le hall du Alice in Wonderland Fantasy Dining. Chaises au dossier sculpté de roses, murs ornés de reproductions des pages de l’oeuvre de Lewis Carroll et… atmosphère claustrophobante, on est immédiatement dans le bain. Car si la décoration de ce restaurant est soignée dans les moindres détails, avec une inventivité qui m’a arraché des « Oh » et des « Ah » ravis jusque dans les toilettes, le plafond hyper bas et peint en noir, les murs très rapprochés ou couverts de miroirs et l’éclairage tamisé rougeâtre m’ont immédiatement fait penser à une boîte échangiste ou à un bordel – impression qui ne m’a pas lâchée pendant tout le repas et qui contrastait très fort avec mes attentes plus, disons, disneyesques.


Cette pénombre nous a empêchés de prendre autant de photos (ou du moins, autant de photos réussies) que nous l’aurions voulu. Admirez tout de même l’uniforme croquignolet des serveuses:


(Et, non, la clientèle n’était pas constituée que de vieux pervers, mais essentiellement de jeunes Japonaises qui auraient pu être les soeurs ou les copines de ces jeunes filles.)

Passons à la nourriture. Plusieurs cartes (menu principal, menu saisonnier, cocktails, vin) étaient logées dans la ravissante boîte que voici:

En arrière-plan, la clochette avec laquelle nous étions censés appeler notre serveuse quand nous aurions fait notre choix ou si nous désirions quoi que ce soit. Je me suis demandé comment les filles faisaient pour entendre et surtout localiser la provenance des carillons aux heures de grande affluence…

En guise d’amuse-bouche, on nous a apporté deux tranches de pain brun caoutchouteux et, dans une ravissante tasse de porcelaine anglaise, une sorte de Maredsous (= Vache qui Rit belge) avec un petit billet marqué « Eat me ». Je vous rassure, nous n’avons pas rétréci pour autant.

Pour débuter notre repas, nous avons commandé la farandole d’entrées: « Une seule, à partager », ai-je dit à la serveuse. Qui est revenue quelques minutes plus tard avec deux assiettes composées à l’identique: une rose de Serrano au milieu, une carte à jouer en craquelin (pique pour Chouchou, carreau pour moi) quelques feuilles de salade et trois olives, une petite tartine à l’avocat et à la tomate, un morceau de fromage bleu, une tranchette de saumon au pesto et un peu de carpaccio. J’ai pensé qu’elle m’avait mal comprise, mais en regardant l’addition à la fin, je me suis aperçue que l’entrée nous avait bien été comptée une seule fois. Je m’attendais à une seule grande assiette avec deux fourchettes, et je suis épatée qu’on ait pris la peine de nous en préparer deux petites.

Nos plats du milieu nous ont été apportés alors que nous n’avions pas encore fini notre entrée, une grosse faute de service selon moi: je déteste sentir qu’on me presse de manger et de déguerpir. Le boeuf haché aux aubergines gratinées de Chouchou et mon risotto à la tomate et aux cèpes étaient présentés de la même façon, dans une croûte de pâte feuilletée et déguisés en chat. C’était franchement délicieux, mais quelle portion minuscule! Heureusement que vu l’heure, nous n’avions pas très faim.

Du coup, il nous restait bien assez de place pour un dessert. Admirez ce trio de gâteaux roulés: une chenille parfumée au thé vert, un chat à la mangue et un chapelier au marshmallow (ou à la barbapapa, Chouchou et moi n’avons pas réussi à tomber d’accord), servis avec un coeur en sucre filé rouge et un duo de coulis fraise/kiwi. Et fait exceptionnel au Japon, ils étaient aussi bons que beaux.

Montant total de l’addition pour deux personnes (avec deux cocktails en plus des plats suscités): 7832 yens, soit environ 60 euros, dont un quart de « surtaxe gaijin ». Pas si cher en soi si on considère qu’on paye le décor et l’ambiance autant que la nourriture. Mais rageant quand même sur le principe. Pour autant, si vous allez au Japon, tester un restaurant à thème me paraît une expérience fun à tenter. Malgré toutes mes réserves, j’ai passé un bon moment et je ne regrette pas du tout d’avoir suivi Chouchou au Pays des Merveilles.

Alice in Wonderland Fantasy Dining
Taiyo Building, 5ème étage
8-8-5 Ginza, Chuo-ku
TOKYO
A la sortie de la station de métro Ginza, longer Chuo-dori en marchant sur le trottoir de droite en direction de Shimbashi. Le Taiyo Building se trouve quelques centaines de mètres plus loin, un peu avant le carrefour dont l’immeuble Ginza Nine fait l’angle.
Réservation recommandée (surtout pour les gaijins!)
Tel: 03-3574-6980

1 réflexion sur “Un dîner au Pays des Merveilles”

  1. Les tests de Gridou

    Ohlala, les trois meïs habillées ainsi, ça me fait plutôt penser à The Shining moi… "Danny, viens jouer avec nous ?!". Brrrr 😉

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