Joyeux non-anniversaire

3 ans, 4 mois et 14 jours. C’est le temps depuis lequel Chouchou et moi sommes ensemble. A ce stade-là d’une relation, en principe, mon enthousiasme initial est retombé depuis longtemps; les défauts de l’autre me font grincer des dents; le sexe est plus ou moins devenu un pensum; le maintien d’une vie sociale commune est au mieux ennuyeux et au pire un sujet de bagarre constante. Les sentiments qui perdurent m’apparaissent comme un boulet, et pas le genre rouquin dont le blog me fait vachement marrer. Je me sens prisonnière de l’amour que j’ai encore pour l’autre et qui m’empêche de faire ce que je veux – pire, d’être ce que je veux.

Mais pas cette fois.

Cette fois, bizarrement, c’est le contraire qui se produit. Au départ, nous ne donnions pourtant pas cher de notre aventure : chacun de nous sortait d’une relation qui lui avait laissé le coeur en miettes, jurant mais un peu tard qu’on ne l’y prendrait plus; nous habitions à plus de 1000 kilomètres l’un de l’autre et soyons francs, Chouchou n’était pas du tout mon style d’homme. J’aimais les grands chevelus forts et silencieux: qu’aurais-je bien pu faire d’un chauve d’1m75 à tête de brute et coeur de pâquerette?

Ce que j’en ai fait, presque à mon insu, c’est du bonheur. Du bonheur qui fait oublier les préjugés et admettre qu’on s’est gravement plantée jusque là, qu’on ne savait pas du tout de quoi on avait besoin – mais que maintenant, on l’a, et qu’il n’est plus question de le lâcher.

A force de bonne volonté, nous avons fini par aplanir tous les obstacles qui nous séparaient: la distance, mais aussi mes sautes d’humeur et les crises de dissociation de Chouchou. Nous sommes passés plusieurs fois au bord de la rupture pendant la première année et demie, puis au fil du temps, les crises se sont espacées et ont diminué d’intensité comme nous apprenions à les gérer au mieux.

Aujoud’hui, il ne reste comme nuages dans notre ciel que mes angoisses et la distraction de Chouchou. On travaille à les supprimer, et en attendant, on fait avec. Et puis on fait tout court. Plein de choses qui nous amusent, qui nous excitent, qui nous rendent heureux. Et quand les circonstances se liguent contre nous pour ruiner nos projets, on ne fait pas, mais ce n’est pas grave parce qu’on est ensemble – atmosphère guimauve comme dans un roman d’Anna Gavalda.

Et le bonheur est devenu une évidence faite de petits riens. Les cartes postales illustrées qu’on s’échange quand je pars une semaine à Monpatelin. Les messages idiots qu’on s’envoie dans la journée pendant qu’on bosse chacun de son côté (moi: « zoubizoubizou »; lui : »mraw mraw mraw »). Son pas que je guette dans l’escalier le soir vers 18h. Les plateaux-repas qu’on se prépare en se léchant les babines d’avances, pad thaï commandé au Tom-Yam ou simples nuggets de poulet noyés dans le ketchup pour moi et la sauce bulldog pour lui. Les génériques de séries américaines qu’on chante fort et faux, pelotonnés sur le canapé avec deux vieux chats incrustés entre nous. Les peluches invariablement gris bleuté que je retrouve dans son nombril, et ce, quelle que soit la couleur des vêtements qu’il portait ce jour-là. Mon sourire idiot quand il se promène nu devant moi. Ses yeux qui s’illuminent quand j’essaie des sous-vêtements neufs ou des chaussures à talon très haut devant lui. Nos tâtonnements dans le noir pour nous coller le plus étroitement possible l’un contre l’autre au moment de dormir. Les bisous qu’on continue à se faire en rue avec un enthousiasme d’adolescents. Nos grimaces et nos ricanements de personnages de bédé. Nos fou-rires, souvent.

Bien sûr derrière ces gamineries, il y a des choses profondes et importantes. Le soutien et les encouragements dans tout ce qu’on entreprend. La certitude de ne pas être regardé de travers, mais au contraire valorisé et chéri pour ses excentricités. Une bienveillance constante et mutuelle. Il est ma priorité numéro un et je suis la sienne. Ca devrait toujours être le cas dans un couple. Ca ne l’avait jamais été pour moi jusque là.

J’ai longtemps cru que si ça ne faisait pas mal, ce n’était pas de l’amour, pas vraiment – juste un sentiment tiédasse dont je ne pouvais me satisfaire durablement. Pour une fois, je suis ravie de m’être trompée. Je laisse la passion tumultueuse aux amateurs de sensations fortes, sans regret. Je n’aurais jamais pensé dire ça un jour, mais au fond, c’est dans l’harmonie, la paix et le partage que je m’épanouis le mieux.

9 réflexions sur “Joyeux non-anniversaire”

  1. Quelle belle déclaration!
    Je réalise que je te lis depuis longtemps car je me souviens avoir lu votre rencontre "en direct" ! Votre histoire est belle et aussi bien mise en image dans les BD de ton chouchou! (qui lui aussi t'a fait une super belle déclaration en BD, il y a peu!). En tout cas, ça fait plaisir à lire!

  2. FraiseDesBois

    ça c'est du non anniversaire, et ton épanouissement se ressent à l'écrit.
    Profitez encore longtemps de ce bonheur à deux

  3. Je vous souhaite encore de très très nombreuses années de bonheur commun!

  4. En général jviens tous les jours et je lis en silence mais là je trouve ce billet très émouvant, si j'étais Chouchou j'aurais la larme à l'oeil en lisant ça :)Vous souhaite encore de très nombreux anniversaires.

  5. Elle est belle votre histoire… merci de nous l'a faire partager. Il est bon de lire de jolies choses de temps en temps. C'est pour ça que j'aime ton blog, parce que tu avances, quoi qu'il arrive et tu ne t'apitoies jamais, c'est une force énorme je trouve. Hum… je range mes violons….

    Que tout ça dure encore et encore…

  6. Tout pareil. Je vous souhaite encore quelques bonne surprises de ce genre de la part de l'existence, faut en profiter quand on s'en prend une sur le coin de la pomme…

    /D.

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