
Malgré ça, cette rencontre a été formidable, l’occasion de découvrir (enfin!) la personne derrière les réalisations que j’admire tant. J’ai aimé les réponses de Sophie Calle, son naturel, son humour, le juste équilibre qu’elle a su trouver entre confiance en soi et absence de prétention. Ce n’est pas une de ces artistes dont on ne peut comprendre l’oeuvre qu’avec un énorme bagage culturel, ni quelqu’un qui intellectualise son travail à mort et tente de lui prêter une signification complexe. Elle a pu être accusée de voyeurisme ou d’impudeur; pourtant, elle est à mille lieues des dérives de la télé-réalité, et n’utilise de sa vie que des choses si universelles qu’elles en perdent leur caractère intime. Conquise par la simplicité de son discours j’étais.
A la fin de l’interview, la parole a été donnée au public. Je ne peux résister au plaisir de vous rapporter cet échange entre Sophie Calle et une jeune femme du troisième rang.
JF: Pardonnez cette question personnelle, mais avez-vous des enfants, et si oui, pourquoi n’en faites-vous jamais mention dans vos oeuvres?
SC: Non, je n’ai pas d’enfants et je n’en ai voulu. En fait, je ne les aime pas du tout.
JF (surprise et incrédule): Vous êtes une femme; vous avez forcément eu envie un jour…
SC (catégorique): Non non, je n’aime pas les enfants. D’ailleurs quand mes amis en ont, j’arrête de les voir jusqu’à ce que les leurs soient grands.
JF (totalement désemparée): Mais enfin, en tant que femme, cette idée a quand même dû vous traverser…
SC: Mis bout à bout, j’ai dû y penser à peu près 4 heures dans toute ma vie. Je n’en ai jamais voulu et n’ai aucun regret.
Et là, forcément, j’ai applaudi.
Quand Sophie Calle est descendue de scène, je me suis précipitée vers elle en brandissant Régis.
MOI: Bonsoir, excusez-moi, voudriez-vous bien poser pour une photo avec ma peluche?
SC (étonnée): Ah ça, c’est original… D’accord, mais faites vites, je n’ai qu’un quart d’heure pour boire un verre et discuter avec tout le monde.
Par coquetterie, elle a enlevé ses lunettes. Puis, dans un élan plein d’humour, elle les a collées sur le « nez » de Régis et a gentiment souri tandis que j’appuyais deux fois sur le déclencheur, juste pour être sûre.
MOI: Merci infiniment, bonsoir.
Et parce que je ne voulais pas l’accaparer davantage, je n’ai pas cherché à lui exprimer mon admiration. J’ai juste récupéré Chouchou avec qui j’étais venue et Egogramme que nous avions retrouvée sur place, et nous sommes partis boire un verre au Cheesecake Café pour conclure cette excellente soirée par une bonne discussion sur l’art.
Autant je peux concevoir qu'une femme ne peut pas avoir d'enfant. Autant je n'approuve pas la réaction insistante de la jeune femme.
Mais je ne comprends pas qu'on décide de ne plus voir ses amis parce qu'ils ont de jeunes enfants.
Je trouve que c'est très exagérée.
Moi qui pourtant aime les enfants, apprécie aussi beaucoup de voir mes copines jeunes mère de famille sans leur progéniture.
Y a peut être moyen de trouver un juste milieu.
En revanche, merci d'avoir parlé de cette auteure sur ton blog que je ne connaissais absolument pas.
Après un tour sur wikipedia, je suis curieuse de lire une de ses oeuvres.
J'adore et ce que tu nous en rapporte, cela me la rend encore plus sympathique !
Je vais voir Régis…
Combien de fois ai-je assisté impuissante et incrédule à l'interview lourdaude d'une de mes auteur(e)s/réalisateurs(trices)/chorégraphes/photographes préféré(e)s !
Combien j'aimerai que ce soit MOI qui posent les questions pour éviter ça. Voir – qui réalisent les films ! Parce que franchement, parfois, cela ne pourrait pas être pire..;-)
Gabrielle: la photo avec Régis ne sera pas publiée avant quelques semaines; il y aura d'abord toutes celles de Prague ^^
Tu me donnes le goût de m'intéresser à cette artiste 🙂 J'en ai marre d'entendre qu'une vie de femme doit passer par la maternité pour être complète.
@Marie, je pense que ce n'est pas politiquement correcte de dire ainsi qu'elle ne voit plus ses amis qui ont de jeunes enfants mais je crois que pour quelqu'un qui n'aime pas les enfants il y a un détachement qui se fait automatiquement car nécessairement les nouveaux parents ont comme centre d'intérêt leur rejeton…
Tout à fait d'accord avec toi, Cynthia 🙂
Qu'il y ait un détachement automatique, ok.
Mais là, j'avais l'impression qu'il s'agissait vraiment d'une action volontaire (allez, tchao, à dans 15 ans) et pas de quelque chose qui se produisait naturellement.
Enfin, je suis peut être chanceuse parce que si mes amis évoluent avec la naissance de leur enfant, quand ils sont avec moi, ils ne parlent pas d'eux à longueur de temps et on a encore beaucoup de choses en commun.
Je ne sais pas ce que SC a voulu dire exactement; je sais que dans mon cas, j'ai fini par espacer mes relations avec les parents de jeunes enfants parce qu'ils sont totalement accaparés par leur progéniture (ce que je comprends très bien) et ne parlent souvent plus que de ça pour la bonne raison que leur univers tourne désormais autour de leurs enfants, de facto et parce qu'ils n'ont pas trop de temps pour autre chose. Ce que je comprends très bien aussi. Simplement, les voir avec leurs enfants ou sans leurs enfants mais en ne parlant quasi que de ça, ça me gonfle. Mais bon, je ne suis pas une bonne amie dans le sens où je n'ai pas l'amitié inconditionnelle. Quand ma vie et celle de mes amis commence à trop diverger, je m'éloigne assez rapidement en général. L'amitié n'est pas un truc très important dans ma vie.
Armalite dit :
"L'amitié n'est pas un truc très important dans ma vie."
ça m'etonne pas de vous
J'adore les gens qui ont une piètre opinion d'un(e) bloggeur/se et qui perdent quand même leur temps à continuer de le/la lire et de faire des commentaires… Vous n'avez rien de plus intéressant à faire?
Pour l'interview, je trouve que c'est typique des interviewer qui ne sont pas journalistes et qui tentent donc de se mettre en avant eux-même et LEUR compréhension, LEUR conception, LEUR avis, LEUR goût. Je trouve souvent ça dérangeant pour l'audience et pour la personne qui "subit" cet itw.
Les questions du public sont souvent plus fraîches mais pas forcément pertinentes non plus. Interviewer est un art difficile ! Surtout avec une personnalité multiple et passionnant comme doit l'être Sophie Calle.
Et je trouve important qu'elle prenne la peine de répondre et de s'affirmer sur cette question du non-désir d'enfants. ça permet aux femmes "dans l'ombre" de pouvoir oser s'affirmer avec plus de tranquilité. Et bordel ça fait du bien de ne pas se sentir seule avec ces questions-là !
Je n'en reviens pas que la fille qui a posé cette question ait insisté si lourdement… j'imagine que Sophie Calle l'a d'autant plus joué provoc dans sa réponse et… j'aime bien :-).
De toute façon, le rapport à la maternité, c'est quelque chose d'hyper intime, qu'on n'a pas à juger.
Chacun ses envies, chacun sa vie, chacun ses choix et basta!
J'ai attendu (façon de parler) 32 ans avant de me voir confirmer le fameux adage "tu verras, un jour tu ressentiras un besoin viscéral". A mon grand étonnement, dans mon cas, c'était vrai!
Un an après, en fin de convalescence de fausse-couche (hé oui) et tournée vers demain, je suis heureuse de constater que je ne suis pas devenue une prosélyte du désir d'enfant et qu'une de mes principales préoccupations reste de veiller à ne pas m'enfermer, une fois maman, dans une bulle dont j'exclurais tout le monde ou presque.
Et j'avoue que ma grande crainte serait de perdre tout esprit critique et de devenir une "OK Mum" sans aucun recul sur sa marmaille. Franchement: qu'est-ce qu'il y a de plus chiant qu'une mère qui s'ébahit bêtement en répétant que "hein, elle est super belle et super intelligente et super machin et truc, ma fille? Hein????? Hein dis????", alors que nous on voudrait juste qu'elle lui essuie son nez d'où coule un vilain snot qui nous donne envie de vomir…
🙂
Moi ce qui m'a étonnée chez cette jeune femme c'était son désarroi total, comme si pas une fois dans sa vie il ne lui était venu à l'esprit qu'une femme puisse ne pas vouloir d'enfants. On est quand même quelques-unes dans ce cas de nos jours… Et je ne pense pas que SC était dans la provoc quand elle a répondu; elle a juste dit le fond de sa pensée très simplement et sans aucune gêne, honte ni besoin de se justifier.
J'ai ressenti le même désarroi chez cette femme. Comme si conceptuellement elle ne pouvait pas comprendre qu'une femme ne veuille pas d'enfants. Et j'ai trouvé la réponse de SC empreinte de tact d'intelligence et de simplicité. Comme toute sa conférence dont je partage à peu près tout ton avis hormis sur Marie Desplechin que j'ai trouvée très juste et très complice (même si parfois un peu envahissante).