Creature of habit

Si j’ai mes petits rituels d’avant-retour à Bruxelles, j’ai aussi une kyrielle de menus plaisirs répétés chaque fois que j’arrive à Monpatelin.

Le soir même:
– me servir un très grand Coca light avec des glaçons;
– le boire en ouvrant les colis arrivés en mon absence et gentiment déposés par ma vieille voisine sur le comptoir de ma cuisine à l’américaine;
– appeler dès 18h le pizzaïolo du coin pour lui commander une maxi-parmiggiana, et réclamer que le livreur me l’apporte dès son arrivée à 19h
– rallumer mon ordinateur en espérant qu’il n’y ait pas de problème avec mon wifi, et vérifier ce qui s’est passé sur le net pendant les quelques heures où j’en ai été coupée;
– défaire ma valise et me creuser la tête pour trouver dans ma bibliothèque une place aux livres ramenés de Bruxelles;
– constater avec une exaspération résignée les derniers dégâts provoqués par les petits insectes bouffeurs de papier qui pullulent dans le coin et dont je ne sais comment me débarrasser;
– à 19h05, descendre les escaliers en courant pour récupérer la parmiggiana apportée par le livreur, remonter presque aussi vite malgré l’énorme carton, découper fébrilement un huitième de pizza à la roulette et l’engloutir debout en un temps record avec des soupirs de bien-être;
– manger trois autres huitièmes de plus en plus lentement et finir par refermer la boîte en me disant que la moitié qui reste fera mon petit déjeuner du lendemain;
– préparer des colis d’articles vendus sur Amazon Marketplace ou sur eBay et remplir d’avance les bordereaux Colissimo;
– écrire quelques cartes pour Postcrossing et me demander systématiquement « C’est combien déjà, les Marianne bleu marine? »;
– discuter un petit quart d’heure avec Chouchou sur Skype pour se dire qu’on n’a absolument rien à se raconter depuis qu’on s’est quittés le matin;
– monter me coucher avec un livre tout neuf et lire dans mon lit beaucoup trop tard.

Et le lendemain matin:
– marcher jusqu’au centre du village en tirant derrière moi ma poussette de mémé mon joli caddie rose et en m’émerveillant qu’il fasse tellement meilleur ici qu’à Bruxelles;
– m’arrêter d’abord à la Poste pour me débarrasser du courrier en partance; faire la file et au besoin, laisser passer des gens devant moi pour avoir toujours affaire à ma guichetière préférée (celle qui connaît mon adresse par coeur et ne dit jamais rien quand j’envoie d’énormes bouquins en tarif lettre); reconstituer ma provision de timbres et réclamer d’une voix chantante « Vous me ferez une facturette pour le tout s’il vous plaît? »;
– passer ensuite au 8 à Huit pour acheter quelques basiques: de la roquette en sachet s’il y en a, du lait demi-écrémé en hiver, des filets de poulet et du jambon cuit, du fromage blanc à 20% de MG, de la feta ou de la mimolette, des MaronSui’s si je suis d’humeur gourmande, du PQ environ une fois sur deux, parfois de l’essuie-tout, des piles ou de l’anti-mites, et bien sûr deux grandes bouteilles de Coca light; faire remarquer en riant au propriétaire barbichu qui tient la caisse qu’il est ENCORE en rupture de stock de pain de mie aux 7 céréales et que ce n’est pas encore cette fois que je mangerai des croque-monsieur; remercier la cliente (il y en a toujours une) qui me complimente sur mon magnifique caddie;
– m’arrêter chez mon primeur préféré parmi la demi-douzaine qui bordent la rue principale de Monpatelin, celui où les fruits et légumes sont toujours colorés, joufflus et impeccablement bien présentés; examiner les étals en reniflant avec gourmandise pour déterminer ce que je vais prendre en plus des incontournables tomates-concombre-radis-avocat; demander, bien que je connaisse la réponse d’avance: « Elles ont du goût, les fraises? » ou « Elles sont comment, les premières cerises? »; acheter, pour la semaine, plus de fruits que je n’en consomme dans le mois à Bruxelles, et savoir que je vais me régaler avec tous; entasser prudemment les sacs en papier qui craquent au-dessus de mes emplettes du 8 à Huit, dans l’ordre où me les tend la marchande: « Et les abricots en dernier pour ne pas les écraser; vous allez voir, c’est du miel! »;
– faire une dernière halte à la grande pharmacie pour renouveler mon stock de Lutényl; dire à la minuscule vendeuse aux cheveux teints en noir corbeau dont la frange tombe sur ses bésicles: « Je veux bien le générique » et m’entendre répondre quatre fois sur cinq: « Désolée, on n’en a plus »; en lui tendant ma carte Vitale, ajouter in extremis: « Oh, et il me faudrait aussi une boîte de Doliprane 1000 en comprimés à avaler »;
– prendre le chemin du retour le nez en l’air pour admirer le bleu du ciel en souriant de bonheur.

3 réflexions sur “Creature of habit”

  1. Aaaaaaah le Sud, me manque terriblement !
    La gentillesse, la prévenance, l’accent, tout !
    Mes oncles, le pastis, les parties de pêche, de pétanque, de badmington, et les crises de fou-rires et les jurons qui ponctuent toutes leurs phrases, les déjeuners qui durent jusqu’à quatre heures, les siestes sous le cerisier, les beignets du 14 juillet au bord de l’eau …
    En lisant ton post, j’ai eu envie d’inscrire dans un nouveau carnet rubrique « choses à faire » : acheter une maison dans le sud.

  2. Armalite, du haut de ma Ritalité, je t’informe que « Pizzaiolo » ne s’écrit pas avec une « umlaut » sur la « I ».

    On a pas de boscheries pareilles en Italien (et ça c’est le bosche qui te le dit 🙂 )

  3. Ben oui je sais. Mais pizzaiolo, tel quel, ça me plaît pas. J’ai l’impression que ça devrait se prononcer « pizzéolo » à la française. J’avais commencé par l’écrire correctement et puis j’ai pas pu m’empêcher d’ajouter un tréma (=umlaut).

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