Quand je marche dans la rue, je ne vois pas grand-chose autour de moi. La plupart du temps, mon esprit vagabonde à mille lieues de là, ce qui me rend assez hermétique à mon environnement et m’amène parfois à passer à côté de connaissances qui en déduisent à tort que je les snobe.
Je ne sais pas ce qui m’a poussée à jeter un coup d’oeil par-dessus mon épaule mardi après-midi, en sortant de la Poste de Monpatelin où je venais de récupérer un colis. L’intuition d’un manque, peut-être. Mes yeux se sont écarquillés. A la place du Bar de la Poste dont l’Homme et moi aimions tant savourer les entrecôtes sauce au poivre, assis à l’ombre des parasols Ricard dès que revenaient les beaux jours, il ne restait plus qu’une petite montagne de gravats entourée par une palissade blanche.
Ainsi disparaissent l’un après l’autre les vestiges de notre vie commune.
Cet endroit était plein de souvenirs. Je me rappelle tous les soirs où l’Homme et moi sommes rentrés à la maison main dans la main après y avoir dîné à la fraîche au mois d’août. Le midi où nous y avions savouré le meilleur aïoli du monde en compagnie de Père et Mère avant de nous mettre en route pour Lyon avec la Classe A verte. Et puis la fois où, quelques semaines après notre séparation, nous y avions déjeuné ensemble après avoir réglé des affaires en suspens. Comme nous évoquions l’ami menuisier qui avait fabriqué ma bibliothèque sur mesure, l’Homme avait lancé sur un ton désinvolte: « Oui, oui, Jean-Mi sait qu’on n’est plus ensemble ». C’est là que j’ai compris que pour lui, c’était bel et bien fini – et que pour moi, ça ne le serait jamais vraiment.
J’espère qu’ils reconstruiront tout autre chose à la place du Bar de la Poste.
C’est vrai que ça fait toujours un petit pincement au coeur quand on voit que des lieux qu’on aimait et qui contenaient plein de souvenirs (bons ou moins bons)sont détruits.