Le retour

C’est toujours un petit déchirement de quitter Monpatelin. Vider le frigo des denrées périssables et les porter à la voisine, descendre la poubelle, mettre les radiateurs hors gel et couper l’eau, puis descendre prendre le taxi qui m’emmènera dans la nuit noire jusqu’à l’aéroport. Sur la route dont les lacets me filent toujours la nausée, me demander si je n’ai rien oublié et si j’ai bien fermé la porte en partant. Me dire que cette fois encore, je n’ai pas eu le temps de faire la moitié de ce que je voulais. Que je n’ai pas envie de retrouver la grisaille bruxelloise. Arrivée devant le minuscule aéroport au bord de mer, admirer une dernière fois les palmiers replets et les immenses pins parasol. Me remplir les poumons d’air iodé, et puis entrer résolument dans le hall aux lumières éblouissantes après toute cette obscurité.

Enregistrer ma valise en priant pour qu’elle ne dépasse pas les 20 kilos fatidiques. Filer au Relay pour acheter deux ou trois magazines, si je ne les ai pas déjà tous lus ce mois-ci. Echanger quelques phrases aimables avec le gentil monsieur à cheveux ivoire et lunettes funky qui tient la caisse. Passer le portique de sécurité où mes boots ne sonnent jamais alors qu’ils le font systématiquement dans tous les autres aéroports du monde. Embarquer dans les derniers, parce que n’ayant jamais de bagage à main je ne vois pas l’intérêt d’être la première à aller m’entasser dans l’avion. Lire très vite mes magazines en déchirant au passage les articles, les adresses ou les recettes qui m’intéressent. Hésiter entre sortir le bouquin que je trimballe toujours dans mon sac et somnoler un peu. Réclamer, peut-être, un Coca light « avec de la glace s’il vous plaît » à l’hôtesse qui passe avec son chariot. Un quart d’heure plus tard, avoir la flemme de me lever pour aller me contorsionner dans les toilettes. Du coup, bondir hors de mon siège à peine l’avion immobilisé sur le tarmac et me précipiter vers la sortie.

Traverser Zaventem d’un pas vif, propulsée par l’engorgement de ma vessie. Me sentir comme à chaque fois minuscule dans ces halls caverneux et déserts, dans lesquels le claquement des talons et le frottement des roulettes de valise résonnent trop fort. Enchaîner une interminable succession de tapis et d’escaliers roulants. S’arrêter dans des toilettes qui sentent le désinfectant. Atteindre enfin le carrousel de livraison des bagages et plisser les yeux pour identifier ma petite valise noire semblable aux trois quarts des autres. Regarder mes compagnons de voyage se disperser dans la nuit bruxelloise en emportant quelques parcelles invisibles du soleil de chez moi sur leur peau et dans leurs vêtements. Et puis sentir tout mon mal du pays se dissiper d’un coup à la vue du bonnet rouge de Chouchou qui m’attend à la sortie.

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