« Je ne verrai pas Okinawa »

Comme j’avais beaucoup aimé les deux tomes de « Fraise et chocolat », je n’ai même pas cherché à savoir de quoi parlait ce troisième album d’Aurélia Aurita: dès que Chouchou l’a repéré dans les rayons de Filigranes, dimanche dernier, je l’ai emporté à la caisse. Le soir même, je le lisais d’un trait.

Les amateurs d’histoires de fesses autobiographiques, à la fois candides et crues, en seront pour leurs 12€. Ceux qui espéraient passer un moment de franche rigolade, aussi. Cette fois, Aurélia Aurita ne nous raconte pas ses galipettes avec son amoureux, mais son tout dernier séjour au Japon et la façon dont elle manqua se faire renvoyer directement en France à peine son avion posé à l’aéroport de Narita. Intrigués par les fréquents aller-retour qu’elle effectuait entre les deux pays depuis quelques années, les douaniers refusèrent d’accepter ses explications. De quoi la soupçonnaient-ils au juste, on ne le saura jamais. Mais au terme d’une confrontation aussi humiliante qu’ubuesque, ils lui accordèrent un permis de séjour d’un mois seulement. Juste le temps de faire ses adieux à ce pays qu’elle aimait tant et où elle ne se sentait désormais plus la bienvenue.

Quand on a été au Japon en tant que touriste et qu’on s’est émerveillé de l’immense gentillesse des gens rencontrés là-bas, on tend à oublier combien, de nos jours, les Japonais ont encore une mentalité protectionniste et xénophobe. Ils se montrent extrêmement serviables envers les étrangers de passage, mais que ceux-ci tentent de s’installer et de s’intégrer parmi eux, et bien souvent, on leur claquera la porte au nez. Avec moultes formules de politesse, mais le résultat sera le même.

J’ai vécu plus ou moins la même expérience qu’Aurélia Aurita durant l’année passée aux USA. Lors de mon dernier voyage, j’ai été retenue plusieurs heures dans les bureaux des services d’immigration qui trouvaient que plusieurs séjours de trois mois enchaînés à quelques semaines d’intervalle, c’était louche. J’ai eu beau leur expliquer ce que je faisais comme métier, que j’étais payée par des éditeurs français et que même si je travaillais physiquement sur leur sol, je ne piquais en aucun cas le boulot d’un Américain, c’est tout juste s’ils ont accepté de me laisser entrer dans le pays. J’ai senti qu’une prochaine fois, je n’aurais pas autant de chance. A la fin de ce séjour, je suis rentrée en France pour de bon. Et je ne suis retournée aux USA, pour dix jours, que huit ans après.
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