Je n’ai pas mis mon portable à sonner, et je me réveille spontanément à 8h26. Alors que les jours où je bosse, impossible d’ouvrir un oeil avant 10h. Mmmh. Faudra que j’aie une petite conversation avec mon subconscient un de ces quatre. Or donc, aujourd’hui, c’est le début des soldes à Bruxelles. J’ai un budget à ne pas dépasser (300 euros), une consigne auto-fournie très stricte (« si ce n’est pas le coup de foudre absolu, si ça ne te va pas parfaitement ou si tu n’as rien avec quoi le porter, tu le REPOSES SUR SON PORTANT!!! ») et surtout un Graal en ligne de mire: les peep-toe Chie Mihara gris clair et jaune citron repérées il y a six semaines chez Graphie Sud, et pas achetées immédiatement parce que 213 euros pour une 57ème paire de chaussures à talons alors que je passe les trois quarts de ma vie pieds nus et le dernier quart en Converse ou en boots de moto, c’est peut-être un peu déconné.
Bien entendu, Graphie Sud est totalement excentré. Bien entendu, pas moyen de trouver les horaires d’ouverture sur internet. Je pense d’abord y aller pour 10h et parviens à réfréner mon impatience jusqu’à10h30. J’arrive devant la boutique: elle n’ouvre qu’à 11h. Evidemment. J’en suis quitte pour aller m’attabler au Balmoral voisin, dont la salle est déserte en ce milieu de semaine. Les rares clients sont tous installés dehors; il faut dire que le temps est idéal: ciel très légèrement couvert, juste ce qu’il faut de lumière et 22° environ. Mais je n’ai pas le droit de me mettre au soleil. C’est donc assise dans un box que je feuillette un récent numéro de Closer (et oui: les restos sont mieux équipés en magazines que les salles d’attente de dentistes!) en attendant mon petit déjeuner à l’américaine. Qui m’écoeure au bout de trois bouchées. Quand mon corps commence à refuser le gras et le croustillant, c’est un signe. Nous sommes bel et bien en été.
Lorsque je pousse finalement la porte de Graphie Sud, la vendeuse est encore en train de passer l’aspirateur dans la boutique. Tous les vêtements sont au minimum à – 40%. Et les chaussures? Fébrile, je me dirige vers le rayon du fond. Ouiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii! « Mes » Chie Mihara sont là, soldées à – 40%, et il en reste une paire dans ma pointure. Je les essaie: en plus, elles semblent merveilleusement confortables. Et elles ont même un bidule anti-dérapant sous la semelle. Je crois que j’ai un mini-orgasme en regardant mes pieds. Je dépose la boîte à la caisse et, par acquit de conscience, jette un coup d’oeil aux fringues – que des marques bobo hyper-pointues, avec le genre de coupe qui passé 50 kilos pour 1m70 te transforme instantanément en matriochka. C’est pas là que je vais me ruiner, hin hin hin. Sauf que… Oh, le joli top Claudie Pierlot! Bonne taille, bonne longueur, bon tissu, bel imprimé et beau tombé. Ca ne coûte rien d’essayer… Ah ben si, ça va me coûter (125 x 0,6) euros. Parce que ça me va juste trop bien. Et qu’en plus ça se mariera à merveille avec mes nouvelles Chie Mihara.
Quand je ressors de chez Graphie Sud, j’ai claqué en une demi-heure les deux tiers de mon budget soldes, et je marche sur des nuages. Dessous aussi, en fait. Car pendant que j’étais dans le magasin, le ciel a disparu derrière un troupeau de moutons gris foncé. Le temps de gagner l’arrêt de tram le plus proche, il se met à tomber des cordes. Je ne comprendrai jamais le climat belge.
Je longe la rue Neuve sous une pluie battante. Heureusement que je commence à m’habituer à la météo locale et que je n’ai pas ôté mon parapluie pliant de mon sac sous le prétexte fallacieux que quand même, on est en juillet maintenant. Je rentre chez Zara et en ressors aussitôt: un bordel pareil dans les rayons, ça va me filer des cauchemars pour au moins six mois. Sérieux, on dirait ma version du purgatoire. Un peu plus loin, petit arrêt chez Promod où je fais l’emplette d’un top rayé noir et gris-vert, qui tombe juste comme il faut sur mon jean, et d’un micro-gilet camel qui réchauffera très bien mes robes à fines bretelles à la tombée du soir. Ils font partie de la nouvelle collection et ne sont pas soldés, mais comme il y a en pour moins de 30 euros les deux, tant pis.
Je monte ensuite à la Fnac City 2, où je claque les bons d’achat accumulés sur ma carte de fidélité en achetant « Nervous breakdown » pour DS et un recueil de poèmes japonais intitulé « L’anniversaire de la salade » que je guigne depuis mon dernier séjour en France. En fait, je deviens vachement raisonnable en vieillissant. Si ça se trouve, d’ici la retraite, je serai comme mon père: je mettrai six mois pour me décider à investir dans une nouvelle paire de Méphisto, et le temps que je pousse la porte du magasin, le modèle qui me plaisait aura disparu. Curieux comme j’ai hérité de son côté maniaque super-organisé, mais pas du tout de sa frugalité…
Je ressors de City 2: il fait grand soleil et limite trop chaud. Pays de dingues.
Je suis en train d’examiner la vitrine de Sacha d’un air dubitatif quand mon téléphone sonne. C’est le début d’un chassé-croisé qui va durer une heure et demie avant que je parvienne à retrouver Hawk fraîchement sorti du travail. Entre-temps, je m’arrête chez Exki pour avaler une salade de fruits, histoire de noyer dans les fibres (et le sucre) tout le gras du petit dej’ américain. Puis chez Levis, parce qu’on n’a jamais trop de jeans, surtout quand on vit pratiquement dans les siens (je ne porte aucune autre sorte de pantalon, excepté des trucs en toile avec plein de poches quand je voyage). Un seul modèle correspond à mes critères: pas slim, encore moins skinny, de préférence bootcut et indigo, et bien entendu soldé. Ca fait trois ans que j’achète mes Levis aux USA et j’ai perdu l’habitude de les payer plus de 35 euros une fois la conversion faite. Malheureusement, le 627 a une horrible taille haute qui me fait la silhouette d’une « soccer mom ». Je me souviens encore du moment où le taille basse est arrivé à la mode, il y a dix ans. A l’époque, j’avais un superbe ventre plat et je ronchonnais quand même: « C’est quoi ces jeans qui couvrent à peine les fesses? J’ai tout le temps l’impression qu’ils vont tomber ». Depuis, je m’y suis mise comme tout le monde, et même avec mes jambes de trois centimètres et demi, je trouve ça plus esthétique que le taille haute. OK, pas de jean pour moi today.
Je laisse derrière moi la rue Neuve et me dirige vers Connexion où je suis censée rejoindre Hawk. Ca m’oblige à passer devant Kickers – et donc à entrer chez Kickers pour voir s’ils n’ont pas des sandales plates à ma taille, un truc léger en cuir marron avec des lanières serait idéal. Dommage, ils n’ont plus que du 37 dans le meilleur des cas. Par contre, les espèces de ballerines à trois brides… Mon portable sonne. C’est Hawk. « Tu es où au juste? » « Euuuuuh… Je me suis arrêtée chez Kickers. » Gros éclat de rire à l’autre bout de la ligne, mais pas de commentaire même taquin – juste un « J’arrive ». J’aime cet homme. Et ces espèces de ballerines soldées à 40 euros dans lesquelles il reste ma pointure. A ce prix-là, franchement, ce serait un crime de ne pas les prendre.
Bon ben voilà, je suis au bout de mon budget et aussi de mes envies de shopping. Le monde est bien fait tout de même. Il ne reste plus qu’à trouver un fromager (un jour, je vous raconterai ma quête désespérée, et jusqu’ici vaine, de Petit Billy dans les grandes surfaces belges) et à prendre le chemin de l’Ultime Atome pour boire un jus de fruits pressés bien mérité en entamant un nouveau Paul Auster. Mission soldes été 2008: accomplie.
Moi pour le moment (je dis bien pour le moment) j’en suis à :
– un sca rouge vernis de chez Furla
– un haut de chez Caroll
– une paire de baskets (roses évidemment) de djeun’s qui fait du skate chez Quicksilver
– un pyjama chez Arthur
Et on verra pour la suite, car même si j’ai 42 paires de chaussures et autant de sacs à mains, je ne m’en lasse pas encore !