Suspens

Depuis un mois, j’envoyais à l’une de mes éditrices des mails au sujet du prochain tome de la série que je traduis pour elle. Ne recevant pas de réponse, j’ai fini par appeler son bureau. Je suis tombée sur une dame qui m’a informée, sans autre explication, qu’elle avait pris la relève de sa collègue. Soit. J’étais un peu étonnée qu’elle ne se soit pas donné la peine de me contacter pour un job que j’étais censée attaquer dans des délais assez brefs, mais me disant qu’elle venait sans doute d’arriver en poste et qu’elle devait être débordée, je me suis présentée de ma voix la plus aimable avant d’exposer la raison de mon appel.
Quelques jours plus tard, je lui ai envoyé un mail récapitulant les conditions dans lesquelles j’avais l’habitude de travailler avec les deux éditrices qui l’ont précédée. Et là, problème. Visiblement, cette personne a l’habitude d’utiliser la facturation aux 1500 signes réels, alors que lorsque je me suis engagée pour traduire cette série, nous étions partis sur un tarif au feuillet d’imprimerie (ou 1500 signes théoriques). Je ne vais pas vous ennuyer avec des détails techniques; sachez simplement qu’entre les deux, il y a une différence de 15 à 20%. J’ai expliqué calmement que je n’allais pas accepter une baisse de rémunération aussi importante, surtout pour un texte très littéraire et très difficile à traduire qui n’est déjà guère rentable au tarif le plus élevé. Je lui ai dit que si elle préférait changer de traducteur, je comprendrais, mais que j’apprécierais qu’elle me prévienne rapidement afin que je prenne mes dispositions pour boucher le trou de trois mois que cela représente dans mon planning. Je lui ai également donné mon numéro de GSM belge au cas où elle souhaiterait en discuter de vive voix. Ca fait une semaine, et je suis toujours sans nouvelles.
Je ne sais pas ce que je dois souhaiter. En fait, je me débarrasserais volontiers de cette série qui est un pensum pour moi et qui engorge mon emploi du temps jusqu’en 2012, m’empêchant d’accepter des textes plus agréables à traduire. Sur le papier, elle semble bien payée, mais vu la difficulté de la tâche, quand je ramène ça à un tarif horaire, ça doit être le job qui me rapporte le moins. Et je suis raisonnablement certaine de pouvoir combler le vide que sa suppression laisserait dans mon planning. D’un autre côté, je ne bosse pas pour 36 millions d’éditeurs, et amputer le nombre de mes donneurs d’ouvrages d’un pourcentage significatif me paraît un peu risqué. Jusqu’ici, on m’a toujours proposé plus de boulot que je ne pouvais en accepter, et je me dis qu’il n’y a pas de raison pour que ça s’arrête. Mais quand on est indépendant et qu’on ne peut compter que sur soi-même pour assumer l’intégralité de ses dépenses, on traîne toujours une vague angoisse du chômage technique, si injustifiée soit-elle.
Globalement, j’espère quand même que l’éditrice choisira de s’adresser à quelqu’un d’autre pour la suite de cette série. Je ne prendrai pas de moi-même l’initiative d’interrompre notre collaboration, car j’estime m’être moralement engagée à mener la série jusqu’au bout pourvu que mes conditions de travail demeurent inchangées. Mais j’apprécierais cette opportunité d’explorer d’autres pistes de boulot que j’ai négligées jusqu’ici faute de temps. Je voudrais juste savoir de quoi il retourne avant d’être obligée de modifier toute mon organisation en catastrophe.
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