Etienne Daho au Cirque Royal

Hier soir, l’honneur d’assurer la première partie du concert d’Etienne Daho au Cirque Royal revenait aux Ukulélé Girls : quatre filles jeunes et jolies qui, munies d’instruments loufoques, font des reprises drôles et originales de morceaux comme « Killing in the name », « Losing my religion » ou « Back in black ». ACDC et le ukulélé, ça semble être un mariage bien mal assorti, et pourtant ça fonctionne. La dizaine de morceaux interprétée par les demoiselles est passée toute seule.
Là où j’ai déchanté, c’est en voyant s’installer un second groupe devant le rideau de velours rouge. Daphné? Qui c’est ça, Daphné? La réponse n’a malheureusement pas tardé. Daphné, ce sont d’excellents musiciens, des textes pas déplaisants et… une chanteuse dont la voix m’a fait penser à celle d’Emiliana Torrini en mille fois plus grinçant. Pendant toute sa prestation, j’ai eu l’impression d’entendre des ongles crisser sur un tableau noir. C’était juste insupportable. En plus, les quatre projos qui surplombaient le groupe envoyaient à intervalles réguliers de douze secondes et demie des décharges blanches qui ressemblaient à des flashs d’appareils photo géants. Les yeux fermés, la tête posée sur l’épaule de Hawk, j’ai failli m’endormir de désespoir.
Le temps que le rideau s’ouvre enfin sur Etienne, il était déjà 22h, et je n’espérais plus un concert entier mais juste un set raccourci, à peine plus long que ceux des deux groupes précédents. Inutile de préciser que l’humeur n’était pas au beau fixe. Une minute trente d’intro a suffi pour me réveiller, et bien. Debout dos au public, Daho est apparu très droit, les bras tendus le long du corps et les poings énergiquement fermés, tandis que des faisceaux blancs et rouges s’entrecroisaient sur toute la scène. Le « yeah yeah yeah » de son dernier album m’a immédiatement électrisée. Puis un enchaînement plutôt mou d’une demi-douzaine de chansons que je ne connaissais pas ou n’aimais guère m’a fait craindre le pire. Jusqu’à ce que retentissent les premières notes de « Des attractions désastre ». MA chanson. Là, j’avoue que mon coeur a accéléré un petit peu. Il ne devait pas être le seul, car toute la salle s’est levée. Résultat: même si je n’étais qu’au dixième rang du parterre, je devais me tordre le cou pour essayer d’apercevoir Daho entre les tête et les épaules des gens assis devant moi. Ce qui ne m’a pas empêchée de me trémousser avec enthousiasme.
Quand, deux morceaux plus tard, la salle s’est de nouveau levée pour « Saudade », je n’ai pas tenu longtemps avant de filer dans l’allée latérale pour me rapprocher de la scène. Excellente idée. Je me suis retrouvée au niveau du troisième rang, avec une vue quasi dégagée sur Daho et bien assez de place pour danser à ma guise, ce qui est quand même vachement plus fun que de se tortiller sur un fauteuil inconfortable. Passé un premier tiers bof bof, j’ai adoré la suite du concert qui mêlait habilement chansons du dernier album et vieux tubes: « Comme un igloo », un autre de mes morceaux préférés, « Heures hindoues » qui ne me fait pas plus craquer que ça version studio mais qui était absolument magique en live, « Mon manège à moi », « Promesses », « Le grand sommeil », « Ouverture »… Bien sûr, si j’avais fait la playlist, ça n’aurait pas été celle-là. J’ai notamment regretté l’absence de titres de « Réévolution ». Mais le plaisir des oreilles était tout de même au rendez-vous, d’autant plus que je partageais ce moment avec Hawk.
Malgré une accoustique assez pourrie, j’ai aimé la salle du Cirque Royal, bien configurée et intimiste juste comme il faut. J’ai moins apprécié la présence de cerbères presque aussi nombreux que les spectateurs, qui bondissaient à la moindre tentative de prise de photo. J’ai quand même réussi à en prendre une en douce à 5 mètres de la scène: elle était désespérément floue. Pas de regrets, donc.
Quant à Etienne… Je retire tout ce que j’ai pu dire avant d’aller le voir: il vieillit très bien. Non que son visage soit épargné par les signes de l’âge. Mais il a de nouveau maigri; il portait son éternelle veste de costard noire sans rien dessous, ce qui nous a permis d’entrevoir un appétissant triangle de poitrine bronzée et glabre; il bouge toujours de façon aussi sexy (malgré des gesticulations un poil trop théâtrales à mon goût: par moments, on aurait dit le mime Marceau s’essayant à la tektonik…); et surtout, il a conservé son charme canaille – celui du gars papillonneur par essence, dont tu sais d’avance qu’il va te briser le coeur, mais qui avant ça t’aura fait vivre un tourbillon de sentiments dont tu resteras nostalgique jusqu’à la fin de tes jours.
J’aime sa façon d’exulter sur scène, d’ouvrir grand les bras et de renverser la tête en arrière avec un sourire ravi, comme si l’amour du public était le soleil qui l’inonde et le sustente. Il est heureux comme un môme de se trouver là, de faire son show et d’affoler les trentenaires en goguette. Au bout de vingt-cinq ans de carrière, il n’est toujours pas blasé le moins du monde. Ses textes sont devenus un peu plus graves, mais on sent encore en lui un élan très juvénile, un appétit inchangé pour les plaisirs de la vie, et cette faculté très séduisante de basculer en un quart de seconde dans une nostalgie poignante ou une mélancolie contagieuse. Il me fait penser qu’il est possible de rester fidèle à soi-même sur la longueur, de mûrir sans pour autant se renier. Hier soir, j’ai eu l’impression de retrouver un vieux copain perdu de vue depuis longtemps et de me rendre compte que, dans le miroir qu’il me tendait, j’aimais ce que moi aussi j’étais devenue depuis notre dernière rencontre.

4 réflexions sur “Etienne Daho au Cirque Royal”

  1. J’aime beaucoup ton écriture et plus je te lis plus je me dis que tu devrais aussi écrire et pas seulement traduire. Ta plume est sensible, pertinente et impertinente, vive, imagée, drôle. Un régal. Merci.

  2. Venant de ta part, ça me touche beaucoup… Je suis fan de ce que tu fais! Et je rêve de pouvoir t’accompagner au Maroc l’an prochain…

  3. Ben alors? Pas de Chronique de la Nouvelle Star ce soir?

    Oui, les cerbères qui chassent les appareils, ce n’est pas de la faute au Cirque Royal mais bien à une « Directive Daho ». Pas de photos en concert!!!

  4. Oui il y avait des panneaux à l’entrée signalant que c’était une consigne de Daho. Quand nous avons voulu les photographier à la sortie, ils avaient déjà été enlevés.
    Toi aussi tu l’as vu en concert Mélissa?

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