Farewell my friend


Elle avait cet humour acide que j’aime tant, et puis ce sens de la répartie qui transformait certaines de nos conversations en jouissives parties de ping-pong verbales.
Elle s’intéressait de près à l’actualité qu’elle commentait avec esprit et pertinence.
Son français impeccable, à peine teinté d’une minuscule pointe d’accent allemand, me donnait envie de rire chaque fois que j’entendais une interview de Jane Birkin qui, après quarante ans passés dans l’Hexagone, semble toujours ignorer que « chaise » est un nom féminin.
Elle faisait des macaroni à la grecque délicieux, qui doivent à eux seuls être responsables d’une partie non négligeable de mes bourrelets.
Elle avait du mal à émerger le matin, et ne commençait à pouvoir construire des phrases sujet-verbe-complément qu’après un café, un Perle de Lait et une tranche de pain noir.
Elle aimait manger, boire du bon vin, fumer des cigarillos, discuter entre amis jusqu’à point d’heure, danser comme une folle pendant ses soirées d’anniversaire.
Parfois elle critiquait sans ménagements ma façon de faire ou de dire les choses. Ca m’énervait. En général, elle avait raison.
Elle pouvait être d’une mauvaise foi merveilleuse, surtout avec son mari bien-aimé qui répondait invariablement « oui, chérie; tu as raison, chérie » avec dans la voix juste le nécessaire de douceur et de zen.
Elle était la femme d’un seul homme, le même depuis plus de trente-cinq ans, avec qui elle avait su construire une relation basée sur la complicité et la complémentarité – un modèle de bonheur conjugal auquel je me raccrochais quand je désespérais de mes échecs sentimentaux.
Elle était si forte, si combattive que malgré ses graves problèmes de santé des trente derniers mois, l’idée qu’elle puisse ne pas s’en remettre m’avait à peine effleurée. Je pensais qu’après un ou deux ans sacrifiés à récupérer, elle reprendrait le cours normal de sa vie.
Apparemment, je ferais une voyante déplorable.
Mon amie B. s’est éteinte ce matin à l’hôpital. Elle avait à peine 53 ans, un mari pour qui elle comptait plus que tout au monde et beaucoup d’amis dans le coeur desquels elle laisse un grand vide.

3 réflexions sur “Farewell my friend”

  1. Loin des yeux mais pas du coeur !
    Tu sais que si t’as besoin, un coup de fil, de msn ou autre et la Belgique ne se situe qu’à 3h de route de Paris 😉

    Tout Chuss.
    Bisous partout !

    VIP un jour, VIP pour toujours 😉

  2. Euh « bisous partout »?
    Rendez-moi mon Petit, espèce d’imposteur!!!
    Sinon… merci les amis 🙂

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