The C word

Le mois dernier, j’ai appelé ma copine Brigitte pour lui souhaiter son anniversaire. Je n’avais plus de nouvelles depuis un moment et n’osais pas trop en prendre tant j’étais mal tombée la dernière fois. Là encore, je n’ai parlé qu’à son mari. Qui m’a appris qu’après son cancer du sein d’il y a deux ans et sa tumeur cérébrale de l’an dernier, Brigitte venait de passer presque un mois à l’hôpital pour soigner une méningite.
Depuis, l’idée de tomber gravement malade me hante. Parfois, elle m’empêche de dormir la nuit. Je sais que je pète la forme, que j’ai toujours eu une solide constitution et que je suis encore relativement jeune. Je sais aussi que rien de tout ça n’est une garantie. Et je panique d’avance à l’idée des problèmes matériels que me poserait un arrêt de travail prolongé. Comme tous les indépendants, j’ai une couverture sociale merdique et des frais fixes importants. Donc financièrement, déjà, ce serait une catastrophe. Et puis si je devais, par exemple, être opérée et subir une chimiothérapie, je devrais rentrer en France. Comme je suis très isolée dans Monpatelin, il faudrait probablement que j’aille m’installer chez mes parents le temps du traitement. Ce qui signifie qu’en plus de tout le reste, je devrais supporter l’absence de Hawk. Je sais qu’il essaierait de me rejoindre mais ce n’est pas vraiment comme si on pouvait trouver des boulots d’informaticien en claquant des doigts dans le contexte économique actuel. Et je ne vous parle même pas de ma mauviétitude (mauvietterie?) absolue face à la douleur physique.
Si je pense à tout ça maintenant, ce n’est pas juste parce que je vieillis et que j’ai un exemple malheureux dans mon entourage. Jusqu’à l’année dernière, je ne tenais pas beaucoup à la vie et n’avais guère de projets d’avenir. Oh, j’aimais être là, j’avais conscience de ma chance et j’essayais d’en profiter un maximum. Mais dans le fond, tout ça m’était relativement égal. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Je suis heureuse avec Hawk, vraiment heureuse; je déborde d’envies à concrétiser et je redoute tout ce qui pourrait casser mon bel élan. Une petite voix en moi me souffle que tant de bonheur, c’est un peu indécent et que ça ne peut pas durer – qu’il va forcément falloir passer à la caisse un jour. J’essaie de me raisonner, de me dire que les choses ne fonctionnent pas ainsi – qu’il n’y a pas de comptabilité karmique. Que me ronger les sangs ne sert pas à grand-chose, voire pourrait s’avérer contre-productif puisqu’il est désormais admis que le stress est un facteur de développement des cancers. Néanmoins, l’inquiétude est toujours là au fond de moi.
Je vais faire tout mon possible pour pallier d’avance les problèmes matériels que provoquerait un arrêt de travail longue durée. Augmenter les garanties de ma mutuelle, par exemple. Et puis m’attacher à avoir une alimentation saine, reprendre une activité physique (sans doute du yoga ou du Pilates) dans la même salle de sport que Hawk. A défaut d’éliminer tous les risques de maladie, ça les diminuera certainement. Le reste ne dépend pas de moi – et cette idée m’est insupportable, moi qui m’efforce tant de tout contrôler dans ma vie.

3 réflexions sur “The C word”

  1. Je lis ton blog avec grand plaisir depuis des mois et je profite de ce post pour placer enfin un commentaire. Pour être « gravement malade » je peux te dire qu’on reste vivant jusqu’au bout et que rien ne casse les élans de ceux qui sont passionnés et tissés de projets. On trouve toujours la force de s’adapter pour se nourrir de ses importants. Mon corps a beau me fixer des frontières qui parfois m’exaspèrent, il ne m’empêchera jamais d’Etre en grand et de donner le meilleur de ce que je suis à ceux que j’aime. Faire, donner et savourer chaque instant. La capacité au bonheur permet de se dépasser quels que soient les événements 😉

  2. Oh, c’est bien que tu te manifestes, ça me permet de rajouter ton blog dans mes liens et de ne plus passer par chez Chucky pour te lire! 😉

    Pour le reste, je crois qu’on ne peut pas prévoir d’avance comment on réagira face à une épreuve donnée. Certains révèlent du courage, d’autres se laissent anéantir; j’aime à penser que je suis quelqu’un de combattif mais réellement, je n’en sais rien. Et j’espère ne jamais avoir à le découvrir.

  3. Avec la pancarte « cancers, tromboses et autres joyeusetés » accrochée à la devanture de la bâtisse familiale, je ne peux moi-même que partager tes craintes.

    La pièce est tombée il y a 3 ans, quand ma mère a eu son 2è cancer (pour fêter les 10 ans du 1er): « fillotte, profite, tu ne sais pas ce qui peut te tomber dessus
    demain ».

    Je ne ris jamais quand on me dit « bonne année, et bonne santé parce que c’est le plus important » sur le ton de la rigolade.

    Ma devise c’est « on ne regrette que ce qu’on n’a pas fait ». Il suffit que je m’imagine en train de crever dans mon lit, sans plus aucune force pour me battre, pour remiser au grenier mes hésitations à faire ou vivre telle ou telle chose.
    Agir plutôt que cogiter.

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