Quand on bosse en indépendant, ce n’est pas toujours facile de gérer sa trésorerie. En ce qui me concerne, par exemple, je bosse pour trois éditeurs qui ont chacun une politique de règlement différente: l’un me paie 100 feuillets à la commande et le solde à la remise, l’autre une moitié à la commande et le solde à la remise, et le dernier un tiers à la commande, un tiers à la moitié et le solde à la remise. Ajoutez à ça la longueur variable des bouquins que je traduis et le temps de réaction aléatoire des départements comptables qui émettent les chèques, et vous obtenez un véritable casse-tête. Je suis perpétuellement en train de jongler avec des rentrées d’argent sur lesquelles je ne peux jamais compter à date fixe, et des sorties qui elles tombent comme un couperet à l’échéance prévue – le Trésor Public et la Sécu sont d’une ponctualité exemplaire quand il s’agit de se remplir les poches, mais hélas beaucoup moins rapides quand on leur demande d’effectuer une simple formalité comme, je sais pas moi, un changement d’adresse.
La longueur du tome 4 de Maudite Série ayant été grossièrement sous-estimée à la commande, il se trouve que je n’avais pas de rentrée prévue au mois de janvier mais que je devais toucher un énôôôrme chèque de près de 9000 euros courant février. J’ai donc attendu patiemment en réfrénant mon habituelle shoppingite aiguë (et si mon monstre n’est plus chez Brüsel quand je retournerai le chercher, there’s gonna be hell to pay!). Sauf que le Colissimo qui contenait ma facture a mis 14 jours à parvenir à destination – la Poste non plus n’est pas une administration très fiable en France. Mes cartes bleues de février ont été encaissées sans que mon compte ait été crédité du moindre centime. J’ai dû appeler ma banque pour réclamer une extension provisoire de mon découvert autorisé. Qui m’a été accordée jusqu’au 15 mars. Je pensais que ce serait largement suffisant.
Avant-hier, ne voyant toujours rien venir, j’ai contacté l’éditrice concernée, qui a promis de se renseigner auprès de la compta et de me mailer dans la foulée. Aujourd’hui: boîte à lettres toujours vide, boîte mail idem. J’appelle l’éditrice. Et apprends que ma facture a été égarée par la compta, qu’on vient juste de la retrouver et qu’on m’envoie mon chèque sous deux jours maximum. Oui mais je pars à Bruxelles dimanche pour une semaine, ce qui reporte l’encaissement dudit chèque au 20 ou 21 mars, soit bien après la fin de mon extension de découvert autorisé. J’ai demandé si on ne pouvait pas plutôt me faire un virement. L’éditrice « voit avec la compta » et me tient au courant.
Je commence à comprendre pourquoi je n’ai jamais pu obtenir le numéro direct du service comptabilité de cette boîte. Ils n’ont déjà pas l’air super productifs, si en plus ils sont assaillis de coups de fils de traducteurs furieux, aucun d’entre nous ne sera payé pour ses factures en attente avant janvier 2008. Et d’ici là, l’une ou l’autre administration à laquelle nous devons des sous nous aura déjà envoyés en prison pour non règlement de cotisations.