Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été attirée par des hommes qui étaient mon contraire total. Leur différence les rendait insaisissables, donc éternellement désirables; leurs goût opposés aux miens m’ouvraient de nouveaux horizons que je n’aurais jamais explorés seule; leurs qualités palliaient mes défauts et inversement. Une combinaison parfaite de yin et de yang.
Du moins, en théorie.
En pratique, passée la frénésie des premiers mois, mon désir ne tardait pas à retomber face à quelqu’un dont la libido n’était pas branchée sur la même longueur d’ondes que la mienne. Les hobbies adoptés par mimétisme me lassaient très vite; je n’avais plus le choix qu’entre me forcer à faire des choses qui me gonflaient pour passer du temps avec l’autre, ou le laisser s’adonner seul à ses passions et ne plus partager aucun moment fun avec lui faute d’activités communes. Nos défauts antagonistes nous faisaient grincer des dents en permanence (une maniaque et un bordélique sous le même toit, c’est l’enfer). Quant aux qualités, chacun tendait à s’appuyer sur celles de l’autre: c’est ainsi que je me tapais systématiquement l’administratif, l’organisation des vacances, la gestion du frigo et celle de deux agendas, mais me déchargeais non moins systématiquement de tout ce qui concernait l’ordinateur ou la voiture – avec pour conséquence qu’aujourd’hui, je suis incapable d’effectuer les manips les plus simples sur mon portable, et que je n’ai pas fait la pression des pneus de ma Twingo une seule fois en six mois. Je ne parle même pas du chapitre « les amis de mon conjoint m’ennuient à mourir et je vais me tirer une balle si je dois encore passer une seule soirée à leur faire la conversation ».
Aujourd’hui, je suis amoureuse de quelqu’un qui me ressemble sur beaucoup de points. Sans être identiques, nos histoires se font écho. Nous nous comprenons parce que nous avons traversé et surmonté des épreuves similaires. Nous luttons contre le même genre de contradictions intérieures et aspirons au même type d’accomplissement. Nous sommes tous deux animés par une volonté farouche de créer et d’aimer sans entraves, de réussir l’amalgame entre nos parts d’ombre et de lumière, de nous accepter (et nous faire accepter) tels que nous sommes. Last but not least, nos sexualités sont merveilleusement en phase. Nous ne nous complétons pas: nous nous démultiplions. Jumeaux androgynes et incestueux, nous dansons un étrange ballet durant lequel nous échangeons nos rôles, nos costumes et nos pas d’un tableau à l’autre.
Je suis peut-être le rêve qu’il n’a jamais osé raconter. Il est sans aucun doute le rêve que je n’ai jamais osé faire.
Et ma seule peur désormais, c’est de me réveiller.
This is only the beginning. Sleep and dream with me again and again…