T’façon je bois que du thé

Comme d’habitude les jours fériés, Carrefour est blindé de monde. Je choisis une caisse au hasard, en me demandant ce que je vais bien pouvoir faire pour m’occuper pendant l’attente. Envoyer des texto? Commencer à boulotter les chouquettes que je ne suis même pas censée acheter? Mon regard se pose sur un môme de 3 ou 4 ans qui se contorsionne devant mon chariot. Sa mère m’adresse un sourire radieux. A peu près mon âge. Mignonne sans être belle. Cheveux teints au henné, raie au milieu, pas de maquillage, une tunique près du corps avec de jolies broderies sur les manches, un pantalon en toile kaki rentré dans des bottes en daim noir plates. Je jette un coup d’oeil au reste de la famille: une blondinette de 5 ou 6 ans et un type ni très grand ni très costaud, le bas du visage un peu mou, mal rasé et le cheveu en bataille, mais avec l’oeil qui pétille et un chouette sourire. Je les observe en attendant mon tour. Les enfants chahutent sans faire trop de bordel, les parents gardent un oeil dessus tout en bavardant et en riant entre eux. Ils portent tous le même genre de pantalon, avec juste de petites variations dans la couleur ou la distribution des poches. Un clan, c’est le mot qui me vient à l’esprit: ils forment un clan. La version bobo de la famille Ricoré.
Et je les envie.
Bien sûr je sais que leur vie ne ressemble pas toujours à ce tableau idyllique, qu’il doit leur arriver d’être crevés ou juste de mauvais poil, de se disputer et de se faire du mal. Mais par moments je donnerais cher pour éprouver moi aussi ce sentiment d’appartenance. Savoir qu’il y a un homme sur qui je peux m’appuyer quand parfois le chemin devient trop accidenté – des petites personnes que j’ai fabriquées et auxquelles je tente de transmettre ce que j’ai de meilleur – une structure et des enjeux plus grands que moi.
Je suis incapable de construire quoi que ce soit. Incapable de placer cette confiance-là dans quelqu’un, de me lier à lui de manière aussi irréversible. Incapable de prendre la responsabilité d’une ou plusieurs vies que j’aurais créées moi-même. Et en même temps… Ca me fait mal de l’admettre, mais il y a en moi, bien cachée tout au fond, une midinette qui n’espère qu’une chose: l’amour fou qui la fera changer d’avis.
Cette midinette doit mourir. Je la noierai dans l’alcool, je l’overdoserai à la coke, je l’étoufferai avec le foutre de mecs pas faits pour moi. Je la brûlerai, je la transpercerai, je la déchiquetterai. Et jamais elle ne remontera à la surface.

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