C’est en cherchant à acheter des billets pour un autre événement organisé par Fever que j’ai découvert l’existence de cette « expérience immersive qui vous transporte à travers 4 décennies de musique, cocktail à la main ». En temps normal, j’aurais sans doute hésité; après plus d’un an sans mettre le nez dehors et m’amuser, j’étais disposée à faire ce petit saut dans le vide – avec des inconnus partout autour et un niveau sonore probablement au-dessus de ce que je considère comme tolérable. C’est dire si, même sans que je l’aie attrapé, le Covid-19 a amoindri mes défenses! Mais le site promettait une configuration assise avec distanciation sociale respectée; ça ne durait qu’1h20, et j’ai pensé que l’alcool aiderait à huiler mes rouages sociaux. La séance de 18h30, que je visais à l’origine, était déjà complète pour le jour qui m’intéressait; j’ai donc réservé pour celle de 20h10 en me disant que ça permettrait de manger vite fait avant et donc de repousser le spectre de la soûlerie éhontée. Une semaine avant la date choisie, j’ai reçu un mail qui me demandait d’indiquer combien de membres de ma réservation souhaitaient éventuellement des cocktails sans alcool, et j’ai répondu 1 puisque Chouchou ne boit pas.
Samedi 3 juillet, après un dîner rapide au nouveau Wasbar de la Bourse, nous débarquons donc dans une immense salle aux murs couverts de projections lumineuses (à la sortie, nous réaliserons que c’est celle où nous avions vu une expo sur Brueghel il y a 2 ans). L’hôte nous conduit à deux places face à face autour d’une des tables alignées le long des murs. Effectivement, nous sommes assez loin de nos voisins. Mais pour être honnête, je doute que ce soit une protection suffisante dans un environnement fermé. J’ai donc demandé à Chouchou, qui n’a pas encore reçu sa seconde dose de vaccin, de conserver son masque chirurgical pendant la séance et de boire en glissant sa paille dessous. Sur ma droite, deux couples de potes super sapés, dans les 35 ans, hyper excités à la perspective de leurs vacances imminentes; sur ma gauche, un couple un peu plus jeune et beaucoup plus calme. Devant chaque personne, un 45 tours en guise de sous-verre pour le futur premier cocktail – et pour Chouchou, une cassette audio qui indiquera aux serveurs qu’il prend des mocktails.
La séance commence pile à l’heure. Tout de suite, on en prend plein les yeux et les oreilles. Et, oui, le son est fort mais pas horriblement. Et puis surtout, la chanson d’ouverture pour entamer la partie dédiée aux 70’s, c’est « Highway to hell ». De quoi me mettre immédiatement dans l’ambiance. Les serveurs apportent un premier cocktail à base de gin, présenté dans une boule à facettes. Je sens si peu l’alcool que je goûte le mocktail de Chouchou pour vérifier que nos verres n’ont pas été intervertis. Mais bon, avec 4 cocktails à boire au rythme d’un toutes les 20 minutes, mieux vaut qu’ils ne tabassent pas trop. Les morceaux s’enchaînent et je sautille dans ma chaise tandis que Chouchou filme et me mitraille sous tous les angles. Je jette un coup d’oeil à la ronde et constate que de toutes les personnes présentes, nous étions probablement les seules déjà nées au moment où ces chansons sont sorties. Non, je ne me sens pas vieille du tout.
Pour les 80’s, que je trouve encore plus jouissives musicalement, on nous apporte un Bécher contenant un fond de téquila, une éprouvette remplie d’un liquide bleu et un sachet de « cocaïne » posés sur un miroir. Lorsqu’on mélange les trois ingrédients, le cocktail vire au mauve. Pour les 90’s, alors que je commande légèrement à décrocher (« C’est qui, Crystal Waters? »), c’est un Cosmopolitan à verser dans un joli verre en cuivre. Quant aux 00’s, c’est la débandade: je ne reconnais quasiment aucun morceau et écarquille de grands yeux tandis que le reste de la salle s’époumone. Je me concentre sur le mojito revisité qu’on nous a apporté coiffé d’une cloche en verre, ne levant le nez que pour glapir « Free Britney! » lorsque résonnent quelques mesures de « Toxic ».
Globalement, la présentation des cocktails est ludique et soignée, mais le goût sans grand intérêt pour les connaisseurs (dont je n’estime même pas faire partie). En revanche, niveau ambiance, c’est le feu. Tout le monde finit par repousser sa chaise pour danser à sa place. C’est un peu étrange, mais à la guerre comme à la guerre! L’hôte lance une session karaoké durant laquelle je beugle « I will survive » de bon coeur face à Chouchou qui jubile derrière sa caméra. La séance se termine par un « I love rock’n’roll » qu’on croirait choisi exprès pour moi; du coup je n’ai pas d’autre choix que secouer la tête très fort en chantant très faux, c’est pas ma faute monsieur l’agent. Ca faisait longtemps que je n’avais pas eu d’occasion de me lâcher autant et ça m’a fait un bien fou. Si l’expérience vous tente, vous pouvez réserver ici.