Photo Nicolas Asfouri/AFP
L’an dernier à cette époque, j’étais en voyage à Hong Kong, et j’avais du mal à gérer ma déception. L’écart entre mon imaginaire et la réalité. La chaleur moite qui m’accablait à longueur de journée et de nuit. Mon profond malaise à me trouver au milieu de gens qui criaient beaucoup, souvent, et n’hésitaient pas à me bousculer sans un regard ni un sourire d’excuse. Tout m’agressait dans cette ville, et je regrettais de ne pas avoir plutôt consacré l’essentiel de mes vacances à explorer la plus paisible, moins grouillante Singapour.
Le passage du temps a atténué ma perception de ce séjour. Au fil des mois, j’ai commencé à me rappeler davantage ce que j’avais aimé à Hong Kong: la cuisine fabuleuse et si bon marché, la vue époustouflante du haut de Victoria Peak, les traversées nocturnes de la baie en Star Ferry, les cocktails et les afternoon teas au sommet de buildings vertigineux, le couvent de Chi Lin et ses jardins… Même mes mésaventures sont devenues ce que Chouchou appelle des « moments remarquables ».
Au printemps dernier, la population locale a commencé à protester contre l’amendement de la loi d’extradition. Je n’y ai d’abord prêté qu’une attention distraite. Mais au fil des mois, la situation s’est durcie et a considérablement dégénéré. La police, qui au début se contentait d’encadrer passivement les manifestants, s’est mise à les gazer, puis à leur tirer dessus. Le gouvernement local, qui n’était prêt à faire de concessions que sur un des 5 points de revendication, semble décidé à ne pas céder. La violence atteint des niveaux perturbants, avec des commerces saccagés et des stations de métro régulièrement incendiées. Et la répression devient effrayante: flicage en règle des réseaux sociaux, interdiction des masques permettant de contrer la reconnaissance faciale… Nul ne peut dire quand cela se terminera, mais on peut déjà imaginer comment: mal pour les manifestants, qu’aucune puissance étrangère ne viendra soutenir face à la Chine.
Et plus je regarde des images et des vidéos de ce qui se passe à Hong Kong (si vous êtes sur Instagram, je vous conseille notamment le compte Hong Kong Free Press @hongkongfp), plus je suis admirative de ses habitants. Leur courage et leur ténacité me bouleversent. Qu’ils utilisent des cônes de signalisation pour neutraliser les fumigènes ou des mini-projecteurs attachés à leur front pour superposer d’autres traits aux leurs, la créativité dont ils font preuve pour se protéger m’épate. Leur énergie est celle du désespoir: ils luttent pour des libertés sans lesquelles leur vie changera considérablement, et pas en bien. A l’heure où beaucoup de gouvernements de par le monde piétinent la volonté du peuple sans vergogne ni retenue, nous devrions tous souhaiter le meilleur aux manifestants hongkongais, nos frères et soeurs en humanité.