Ce matin, après une nuit durant laquelle j’ai dû envoyer Chouchou dormir dans la pièce voisine, j’émerge à… 10h30, gasp. J’avais vraiment besoin de récupérer. D’ailleurs, je ne me sens toujours pas en grande forme. Nous sortons brièvement vers 11h30 pour aller à la pâtisserie la plus proche, où nous achetons des gâteaux pour le dîner de ce soir. Mes boots de moto me font tellement mal aux pieds qu’en ressortant de la boutique, je les enlève et rentre à l’appartement en chaussettes. Nous traînons sur nos ordinateurs respectifs jusqu’à 13h, finissons les restes du frigo et ne nous décidons à décoller que vers 15h. C’est de nouveau le bordel dans le métro, mais un maudit changement à Hauptbahnhof (le Châtelet local) plus tard, nous atteignons l’Englischer Garten, un parc absolument immense connu entre autres choses pour abriter un curieux spot de surf. L’Eisbach, affluent de l’Isar, forme ici une boucle artificielle qui génère une vague d’un mètre. Un panneau donne le ton d’entrée de jeu: le canal est étroit et peu profond; il existe un risque non négligeable de se fracasser la tête sur le béton, et les novices sont priés de s’abstenir.
Fascinée, je passe une bonne demi-heure à regarder des jeunes gens se succéder sur la vague, chacun attendant patiemment son tour de se lancer pour quelques virevoltes plus ou moins réussies. Même les cadors qui enchaînent les pirouettes sous les applaudissements des spectateurs n’abusent pas: assez vite, ils se jettent à l’eau pour remonter sur la berge un peu plus bas et attendre de nouveau leur tour, planche sous le bras. Les garçons sont plus nombreux, mais sous les combis en néoprène noir qui aplatissent les formes, on repère quand même un bon tiers de filles – dont une qui me rappelle Greta Thunberg et l’autre Sophie Turner. Je me surprends à penser que tout ça est quand même très excitant et que si j’ai d’autres vies façon Harry August, il faudra que je consacre une de mes adolescences à apprendre à surfer. Puis je me souviens que j’ai peur de l’eau. Après ça, nous tentons d’aller nous poser à la maison de thé japonais qui trône sur un ravissant îlot, planquée derrière un érable aux feuilles rouges luisantes, mais apparemment, elle est fermée le dimanche. Nous marchons donc jusqu’à la tour chinoise, qui pour sa part est assez copieusement moche, et prenons des rafraîchissements dans le biergarten à son pied.
L’heure avançant, nous retournons prendre le métro à une autre station que celle où nous sommes arrivés. Cette fois, nous changeons à Sendlinger Tor, et nous comprenons enfin la raison pour laquelle la circulation est sans dessus-dessous: des travaux sur l’un des deux quais obligent les trains de plusieurs lignes à emprunter uniquement l’autre voie, et ce dans les deux sens. Tu m’étonnes que c’est le gros bordel. Histoire d’être sûre, j’interpelle un employé en gilet orange:
– How do we go to Kolombusplatz?
– Mit next train, me répond-il dans un bel europudding.
Nous repassons à l’appartement chercher les gâteaux achetés ce matin, puis prenons un bus pour aller jusque chez M & M qui nous ont invités à dîner. Leur appartement est situé dans une jolie rue très tranquille, au fond d’une cour arborée. Plus moderne mais un peu moins lumineux que celui qu’elles avaient à Bruxelles. Nous buvons du vin italien en mangeant des pâtes à la carbonara. M brune nous fait le récit hilarant de toutes les fois où M blonde et elle se sont croisées à Paris sans jamais se rencontrer avant qu’un boulot commun les mette enfin en présence dans la capitale belge. Nous discutons politique et féminisme, et c’est l’une des rares fois depuis que je la connais où je vois M blonde s’emporter. Toutes les cinq minutes, quelqu’un prononce la phrase: « …Ca nous/vous fera une occasion de revenir » à propos d’un resto, d’un bar à cocktails, d’un musée ou autre attraction que nous n’avons pas eu le temps de tester cette fois. Chouchou et moi prenons congé vers 22h45 et rentrons à pied par les rues cruellement dépourvues d’éclairage public – si j’étais seule, je flipperais malgré le calme du quartier. Demain, nous ferons quelques courses au supermarché voisin: pour une fois que nous voyageons en train, j’en profiterais bien pour rapporter du jus de rhubarbe, des saucisses, des knödel et des spätzle. Puis nous prendrons déjà le chemin du retour.