[MUNICH] Où nous partons en quête du meilleur poisson-sur-bâton de la ville

Ce matin, pendant que nous déjeunons de tartines de leur délicieux pain brun, j’annonce fièrement à Chouchou:
– Rischart a liké ma photo de ton énorme machin!
Il me fixe sans comprendre. 
– Gâteau, me hâté-je de préciser. Rischart a liké ma photo de ton énorme gâteau. 
Le malentendu dissipé dans l’oeuf, nous nous mettons en route à pied vers 11h, direction le Deutsches Museum qui est un immense musée scientifique sur 8 niveaux. Nous achetons nos billets au guichet, prenons un lunch rapide au café attenant et, voyant l’ampleur de la tâche qui nous attend, décidons de consacrer les quatre heures dont nous disposons aux secteurs qui nous intéressent le plus. 

En océoanographie, nous admirons les vieux voiliers, le bathyscape jaune, le sous-marin U1 en coupe, la maquette du Titanic, les beaux instruments de navigation qui se passent de longs commentaires. En aviation, ça commence à coincer quand je me rends compte qu’aucun des textes d’accompagnement de la section réservée aux dirigeables et aux montgolfières (une de mes passions) n’est traduit en anglais. En pharmaceutique, tout m’intéresse mais il y a beaucoup trop de choses pour que je puisse ne serait-ce que parcourir des yeux la moitié des infos à disposition. (Chouchou prend néanmoins une chouette photo de moi à l’intérieur de la cellule géante.) En physique, tout est hyper-austère et en allemand uniquement. Même chose en environnement. A ce stade, je commence à regretter bien fort ma décision de venir. Quand je pense au merveilleux musée des sciences d’Oslo, si ludique et interactif… Ici, il y a une quantité phénoménale de pièces, mais l’ensemble est atrocement rébarbatif, indigeste et inaccessible pour les touristes étrangers qui semblent pourtant constituer un pourcentage non-négligeable des visiteurs. La goutte d’eau, c’est le spectacle sur l’électricité à haute tension: des expériences magnifiques, commentées uniquement en allemand sans même un pauvre prospectus en anglais pour les présenter en quelques lignes aux non-germanophones dans le public. Dégoûtés, nous jetons l’éponge et repartons une heure et demie plus tôt que prévu. 
Nous longeons l’Isar où quelques jeunes bronzent sur une mince bande de béton qui émerge à peine des flots en crue et allons nous poser au Trachtenvogl, un café végan réputé pour ses 22 variétés de chocolat froid ou chaud. Je suis hyper tentée par un chocolat chaud au poivre, mais j’ai trop soif et envie d’une boisson fraîche pas trop sucrée: j’opte donc pour une limonade maison au sureau. Chouchou, en revanche, tente le milk-shake choco banane et décrète dès la première gorgée que c’est le meilleur qu’il a bu de toute sa vie. Nous passons une grosse heure vautrés dans les canapés en velours vert, lui à travailler sur son iPad et moi à lire un roman pas terrible en hésitant à l’abandonner en cours de route. Test du gâteau à la rhubarbe végan et sans gluten: dommage, il n’a pas de goût non plus. 
Nous repartons dans l’autre sens pour nous rendre à la bibliothèque publique où travaille M blonde, qui nous fait visiter les lieux avec une fierté palpable. Depuis le toit auquel seuls les employés ont accès, on voit les toits de la ville et un petit bout des Alpes. En attendant que M blonde ait fini sa journée, nous allons avec M brune boire un verre sur la terrasse des bains publics – un bel établissement Art Nouveau où j’avais envisagé d’aller faire trempette avant d’y renoncer à la vue des avis sur TripAdvisor. Il fait doux et ensoleillé; les oiseaux chantent, les arbres bruissent doucement au dessus de nous et on n’entend presque pas les voitures. Je suis sûre qu’il existe des moyens bien pires de tuer une heure. Puis nous allons prendre le métro pour nous lancer dans notre quête du jour: celle du meilleur « poisson sur bâton de Munich ».

Descendus au beau milieu d’un quartier résidentiel modeste mais joliment agencé, nous marchons jusqu’au parc de Hirschgarten envahi d’autochtones qui ont apporté leur barbecue et font griller des saucisses sur les pelouses. Nous trouvons assez vite le biergarten déjà grouillant de monde. Surprise: j’avais imaginé le « poisson-sur-bâton » comme une sorte de fish stick géant; en réalité, ce sont des poissons entiers grillés. Il est censé y avoir de la truite, et je me dis: « Chic, ça me rappellera les vacances de quand j’étais petite et qu’on mangeait les poissons pêchés par mon père dans la Loire », mais en fait, il ne reste plus que du maquereau, dont l’odeur seule me soulève le coeur. Qu’à cela ne tienne; laissant mes trois acolytes autour d’une table, je vais faire la queue à la cafétéria de plein air pour une portion de hendel (poulet rôti servi avec des frites). En arrivant à la caisse, je me fais hurler dessus par la caissière mal embouchée parce que je n’ai pas de cash et qu’elle ne prend pas les cartes de paiement. Un peu choquée, j’abandonne mon assiette devant elle et rejoins les autres. M blonde a pitié de moi et s’en va récupérer mon dîner avec le liquide de Chouchou et son allemand parfait. Quand il ne reste plus que des arêtes, des os mal nettoyés et des chopes vides sur la table, nous évoquons nos souvenirs d’adolescence en rigolant jusqu’à ce que l’envie de sucré de Chouchou nous fasse partir en quête d’un dessert. Ce sera un mellow cake aux éclats de gaufre pour lui, une crêpe au sucre pour M brune et une brochette de fraises recouvertes de chocolat pour M blonde et moi – le tout servi par une dame très avenante qui compense la mauvaise impression laissée par son horrible collègue. 

Nous traînons encore jusqu’à ce que Chouchou commence à avoir froid; alors, nous reprenons le chemin du métro. C’était une soirée pittoresque, dans un lieu excentré où nous ne nous serions sûrement jamais aventurés si nous n’avions pas eu des amies qui connaissent la ville. Et demain… à nous Neuschwanstein!

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