"La doublure" (Meg Wolitzer)

Un célèbre écrivain américain se rend en Finlande, où il doit recevoir le prestigieux prix Helsinki censé couronner l’ensemble de son oeuvre. Il l’ignore encore, mais sa femme a décidé de le quitter au terme de ce voyage…

Dans ce roman beaucoup plus bref que « Les Intéressants », Meg Wolitzer raconte la trajectoire d’un couple du point de vue de la femme, habituée à vivre depuis le début dans l’ombre de son homme assoiffé de reconnaissance et de gloire. Quand ils se rencontrent dans les années 50, il est marié à une autre, papa depuis peu et aspirant romancier; elle est son étudiante en lettres et elle-même un écrivain prometteur. Durant les décennies qui suivent, elle sacrifie sa carrière pour aider à asseoir celle de son mari, fermant les yeux sur ses défaillances d’époux et de père tandis que la passion charnelle du début cède la place à un arrangement assez inégal dont elle se satisfait pourtant.

Je me demande un peu ce que l’éditeur français avait dans la tête en choisissant un titre qui permet de deviner l’arrangement en question avant même la page 60, alors que le titre original « The wife » (« L’épouse ») résumait mieux la problématique du roman sans vendre la mèche. Tout suspens éventé, je me suis ennuyée ferme durant cette évocation pourtant très bien vue et très bien écrite d’un destin choisi jusqu’au bout plutôt qu’imposé par les normes d’une époque.

« Tout le monde sait à quel point les femmes savent se montrer persévérantes en dépit de tout, qu’elles rêvent de projets, de recettes, d’idées participant d’un monde meilleur, avant de les abandonner en chemin à cause du berceau au milieu de la nuit, des courses au Stop & Shop, ou du bain des enfants. Elles les égarent en chemin lorsqu’elles aplanissent la voie où leur mari et leurs enfants vont pouvoir progresser dans l’existence en toute sérénité. 
Mais c’est leur choix, aurait pu objecter Bone. Elles font le choix d’être ce genre d’épouses, ce genre de mères. Personne ne les force plus. Tout cela, maintenant, c’est terminé. Nous avons eu un mouvement des femmes en Amérique, nous avons eu Betty Friedan, et Gloria Steinem avec ses lunettes daviateur et ses deux mèches de cheveux en forme de parenthèses congelées. Nous sommes désormais entrés dans un monde tout à fait neuf. »

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