Deux heures après que mon père ce stoïque ait sangloté de trouver sa mère pas revue depuis trois ans dans un tel état de décrépitude, deux heures avant que ma mère cette madeleine se mette à pleurer d’énervement parce que mon père refuse de carreler son dresssing, je flânais seule dans les rues de ma ville natale.
Dans la rue piétonne qui chaque matin accueille le haut du marché provençal, une dizaine d’hommes entre deux âges, chemisette à manches courtes, short, sandales et visage déjà buriné par le soleil, traînaient à la terrasse d’un de ces cafés minuscules exclusivement fréquentés par une clientèle d’habitués. A l’ombre des platanes, dans la chaleur qui ralentissait les mouvements et les conversations, l’un d’eux a sorti une guitare et d’une belle voix basse pleine de trémollos a entonné « La Mamma » de Charles Aznavour. Debout devant la vitrine de la librairie jeunesse où je venais d’acheter une demi-douzaine de cartes postales à l’humour très particulier, je l’ai écouté un sourire aux lèvres. Je n’ai pas osé prendre de photo.