La porte s’ouvre pour laisser entrer un nouveau groupe de clients, et un courant d’air vient me faire frissonner dans mon Petit Bateau taille 14 ans. Il ne fait pas spécialement beau à Bruxelles en ce deuxième samedi de mai – pas spécialement mauvais non plus, mais il va falloir attendre encore un peu pour exhiber mes orteils vernis en Oui Bit of Red dans une paire de sandales ouvertes. Devant moi sur la table, une théière orange et un bol assorti remplis de Oolong à la fleur d’oranger; une grande assiette dans laquelle fume une brioche vapeur à la viande que je découpe plus ou moins habilement avec mes baguettes avant de tremper les morceaux dans une sauce aigre-douce rouge orangé; mon exemplaire des « Années douces » posé sur le côté en attendant que j’aie fini de manger et que je reprenne sa lecture. Face à moi, Chouchou récupère consciencieusement les dernières miettes de son scone au matcha avec la main qui ne tient pas le tome 1 du « Pavillon des hommes ». Avant de venir goûter au Cha Yuan, nous sommes passés par Pêle-Mêle et par Brüsel, et à mes pieds, mon Billy ressemble à une baleine orange échouée peinant à ne pas vomir son contenu. Il risque d’être encore plus distendu, et mon épaule encore plus endolorie, quand nous serons passés chez Peinture Fraîche en sortant d’ici. Mais pour l’heure, le temps a suspendu son vol. Nous lisons, chacun dans sa bulle et pourtant parfaitement ensemble.