Lui et moi, nous n’avons pas vraiment les mêmes horaires. Son travail l’oblige à se lever tôt le matin, si bien que le soir, il s’écroule généralement vers minuit et demie, le dernier tome de « Lone wolf and cub » ouvert à la main. « Chouchou, tu dors », dis-je en le secouant pour qu’il pose son manga, ôte ses lunettes et s’installe plus confortablement. « Hein? sursaute-t-il. Non, pas du tout. Je me repose les yeux. » Il reprend sa lecture. Cinq minutes plus tard, je fais une deuxième tentative. « Chouchou, tu dors. » Généralement, il capitule au bout de la troisième. Nous éteignons le plafonnier et j’allume ma lampe de chevet pour pouvoir continuer à bouquiner jusqu’à une ou deux heures du matin. Parfois, il vient se blottir contre moi, la tête sous mon bras gauche. Essayant de maintenir mon livre ouvert d’une seule main, je lui caresse machinalement le crâne de l’autre, comme je le ferais avec un de mes chats.
Vient enfin le moment où moi aussi, je décide de me coucher histoire d’être capable de me tirer du lit vers dix heures le lendemain. J’enlève mon pull et mes lunettes, dépose à côté du lit l’un des deux oreillers que j’utilise pour me caler le dos en position assise, éteins ma lampe de chevet et me glisse sous la couette. Si un ou des chats ne se sont pas subrepticement installés entre nous, roulés en boule et ronflant tout bas, je me colle contre lui. Oh, pas longtemps: j’ai vite trop chaud, et puis je ne dors bien que sur le dos. Mais j’aime profiter de ces instants que je vole à son sommeil. Caresser la peau fraîche de ses épaules et du haut de ses bras. Renifler le creux de son cou. Déposer un baiser tout léger sur son front. Jouer avec le triangle de poils dans sa nuque. Crocheter une cheville par-dessus ses mollets et frotter un peu mon pied contre les siens. Me dire qu’avec lui, je suis enfin heureuse et en paix.