‘t Kriekske

Hier soir, nous avions rendez-vous avec Olive et Aurore en pleine campagne flamande pour aller manger « les meilleures moules du monde » selon Chouchou. Il se fait que j’éprouve pour ces mollusques une haine tenace et irréductible, mais on m’avait assuré que la carte comportait tout un tas d’autres plats belges délicieusement roborratifs, et cela avait suffi à me convaincre de suivre le mouvement. Voilà pourquoi, vers 19h30, Chouchou, moi-même et notre Fiesta de location étions perdus dans un chemin vérolé d’ornières entre des champs où paissaient tranquillement quelques dodus spécimens de la race ovine. Malgré tout le mal que j’ai entendu sur la Flandre depuis mon arrivée ici, je dois admettre que le coin était absolument charmant avec ses maisonnettes nichées au creux de sous-bois grouillant de lierre. Je me serais bien vue y faire une promenade bucolique un dimanche après-midi. Mais là, le soir commençait à tomber et mon estomac à gargouiller. Dieu soit loué pour les GSM: un téléguidage par Olive nous permit de retrouver notre route et d’arriver au restaurant sans trop de retard sur l’heure prévue.

‘t Kriekske, donc, – en français, « A la petite cerise » -, ce sont deux grandes salles ambiance taverne, passablement surchauffées et bruyantes, où des serveurs en uniforme noir et blanc circulent adroitement entre les tables. Le nôtre avait une moustache poivre et sel touffue qui me rappela mon papa, et je me pris immédiatement d’affection pour lui. Il me fallut un peu de temps pour déchiffrer l’intégralité de la carte et arrêter mon choix. « C’est quoi la différence entre un vol-au-vent et une bouchée à la reine? » demandai-je, intriguée, après avoir vu le premier dans les entrées et la seconde dans les plats principaux. Mes compagnons d’agapes ayant avoué leur ignorance, je commandai le vol-au-vent, pour voir. Et je vis. Je vis arriver un plat rempli de béchamel dans laquelle flottaient des morceaux de poulet, de champignons et d’un truc vaguement élastique sans beaucoup de goût que je supposai être du veau. Pas de bouts de quenelle comme dans les vol-au-vent de ma mémé, et surtout, pas de pâte feuilletée croustillante à souhait (la bouchée à la reine, donc, d’où la distinction). Bon, la prochaine fois, je saurai que je n’aime pas les vol-au-vent belges. Pendant ce temps-là, les trois autres s’enfilaient avec un bel ensemble les traditionnelles croquettes de crevette grise.

En plat principal, mes compagnons avaient bien évidemment commandé des moules. J’eus un choc en les voyant arriver: d’où sortaient ces mollusques mutants, presque aussi gros que mes oreilles (et beaucoup moins délicatement ourlés)? « De Zélande », m’informa-t-on. Renseignements pris – je suis nulle en géographie, comme je l’ai déjà expliqué -, il s’agit d’une province de Hollande. Soit. Quant à moi, après avoir hésité avec une cuisse de canard confit qui n’aurait pas supporté d’entrée préalable, j’avais choisi un filet sauce au poivre, réclamé saignant et qui arriva à point dans mon assiette. Mais la viande était d’excellente qualité, tout comme l’ambiance, et je jugeai superflu de gâcher cette dernière en renvoyant mon plat en cuisine. Cette petite faute vite oubliée, je me régalai avec une des meilleures sauces au poivre que j’aie jamais eu l’occasion de goûter – crémeuse et assaisonnée juste comme il faut. Les frites aussi étaient parfaites, ni trop grosses ni trop petites et cuites à point. Olive et moi arrosâmes le tout d’un Pinot Noir à la fraîcheur étrange et néanmoins bienvenue, tandis qu’Aurore buvait du vin blanc et que Chouchou restait à l’eau pétillante.

Pendant le repas, la discussion fut animée, et mon enthousiasme sur les sujets évoqués m’amena plusieurs fois à couper la parole à Chouchou. Ce n’est pas ma faute si je parle trois fois plus vite que lui et peux donc caser trois fois plus d’informations en un laps de temps équivalent! Pourtant, cela me valut d’être comparée par Olive à… Michel Galabru. Ouch. Mortifiée je fus. Du coup, je commandai un dessert même si je n’avais plus du tout faim: être occupée à manger reste un des moyens les plus sûrs de m’empêcher de parler. Ma crème brûlée était délicieuse, un poil vanillée, tiède dessus et froide dessous. Je ne parvins pas à la finir, mais comme je m’y attendais, Chouchou qui s’était modestement contenté d’un thé à la menthe s’en chargea à ma place.

Vers 23h30, comme il ne restait presque plus que nous dans le restaurant et que les serveurs commençaient à ranger les tables, nous prîmes congé d’Olive et Aurore pour rentrer à Bruxelles un peu plus lourds d’un kilo chacun. Pas de pesée sur la Wii Fit ce matin pour moi!

‘t Kriekske, in het Hallerbos, Kapittel 10, 1500 HALLE, tel: 02 380 14 21, fermé le lundi et le mardi

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