Cauchemars

Dans la nuit de lundi à mardi, j’ai rêvé que mon père faisait du skateboard dans la rue. L’air super concentré, limite en colère, il enchaînait les cascades tel un lutin moustachu et grisonnant. L’inévitable finissait par se produire: après avoir sauté par-dessus une voiture, il se rétamait sur la chaussée derrière notre ancien immeuble des Ibis. Il culbutait et s’écrasait si violemment que j’avais l’impression d’entendre tous ses os se briser. Quand il s’immobolisait, je retenais mon souffle, le coeur dans un étau, sans oser m’approcher pour voir s’il était toujours vivant – et dans quel état.
Cette nuit, j’ai rêvé que j’étais condamnée par une maladie très douloureuse et qu’en accord avec mes docteurs, j’avais décidé de me faire euthanasier avant de commence à trop souffrir. Je comptais les jours qui me séparaient de la date fixée pour la procédure en essayant d’en profiter au maximum, mais la révolte et le chagrin étaient trop forts. Je passais mon temps à pleurer de rage en me disant que c’était trop injuste, que je voulais tellement vivre encore! Voir mes proches poursuivre leur routine alors que la fin du compte à rebours approchait si vite pour moi me remplissait d’amertume. Je me disais qu’après m’avoir un peu pleurée, ils continueraient comme avant, comme si je n’avais jamais existé, et cette idée m’était insupportable.
Puis le jour J est venu. Je me suis retrouvée allongée sur un lit d’hôpital, incapable de bouger ou de parler. Le visage rond d’une infirmière noire a empli mon champ de vision. En moi, je tempêtais: « Ce n’est pas toi que je veux voir en dernier; laisse-moi regarder mes parents et ma soeur! ». Mais je ne pouvais pas tourner la tête ni articuler la moindre syllabe. Avec un large sourire et d’une voix infiniment apaisante, elle m’a dit: « Any moment now, you’re gonna be blissfully aware that a shining door is opening in front of you, and you’re gonna get through it ».
Puis je me suis réveillée.
Ma première pensée a été: « pourquoi mon subconscient me parle en anglais? ». La seconde: « au moins, il est poète et ne fait pas de fautes de grammaire ». La troisième: « mais pourquoi je suis tellement obsédée par ma mort et par celles de mes proches en ce moment, alors qu’à ma connaissance aucun de nous n’a le moindre problème de santé? ».
Retour en haut