C’est l’affiche ludique et colorée, scotchée dans la vitrine d’un magasin de la place Flagey, qui a d’abord attiré mon attention. Et c’est le nom de l’auteur qui m’a fait demander à Hawk: « ça te dirait d’aller voir ce truc? ». Il faut dire que nous sommes tous deux amateurs de l’univers bobo adulescent de Vincent Delerm. Renseignements pris sur internet, « Le fait d’habiter Bagnolet » était une pièce assez ancienne, écrite pendant ses études, qui racontait la formation d’un couple pendant une scène au restaurant juste avant l’échange du premier baiser. Le thème semblait en effet très delermien. Nous avons réservé deux places pour la représentation du 18 mars.
Hier soir, je n’avais pas envie de sortir. Temps merdique, nuque en compote, mal à la gorge, appart en sérieuse carence de ménage, énorme pile de bouquins à lire ramenée de Paris… Mais la pièce ne se jouait que jusqu’à la fin de cette semaine par ailleurs bien remplie pour nous. Je me suis un peu forcée à m’habiller pour sortir dans le vent, le froid et la pluie.
Hier soir, je n’avais pas envie de sortir. Temps merdique, nuque en compote, mal à la gorge, appart en sérieuse carence de ménage, énorme pile de bouquins à lire ramenée de Paris… Mais la pièce ne se jouait que jusqu’à la fin de cette semaine par ailleurs bien remplie pour nous. Je me suis un peu forcée à m’habiller pour sortir dans le vent, le froid et la pluie.
Le tram 81 nous a laissés au pied de la chaussée St-Pierre dont l’état m’a fait halluciner. Gadoue à la place du bitume sur toute la largeur, engins de chantier stationnés parmi les voitures, parpaings entassés le long des bâtiments – on se serait crus à Beyrouth. Je me suis félicitée d’avoir joué l’emmitouflage et le confort plutôt que l’élégance: c’était un coup à flinguer irrémédiablement une paire d’escarpins, alors que mes boots de moto Free Lance sont à toute épreuve.
L’Atelier 210 s’est avéré être une de ces petites salles de théâtre que j’affectionne pour leur côté intime et qui, paraît-il, sont légion à Bruxelles. J’ai beaucoup aimé la peinture rouge sombre des murs pour l’aspect dramatique qu’elle conférait aux marches usées, aux tapis élimés, aux vieux fauteuils défoncés et aux tables dépareillées du bar. Nous étions en avance; nous avons bu un soda en attendant l’ouverture des portes.
La pièce a commencé à l’heure, sans tambour ni trompette juste après l’extinction des lumières. Les deux comédiens qui jouaient Simon et Alice sont entrés sur scène et ont, chacun leur tour, commencé à s’adresser au public pour raconter leur version de leur rencontre, leur interprétation des gestes d’un Autre qu’ils connaissaient encore si peu, la manière dont cette histoire naissante s’inscrivait dans leurs vies respectives, les questions qu’ils se posaient et leurs espoirs pour un éventuel avenir commun. La structure de la pièce faisait qu’ils ne s’adressaient pratiquement jamais l’un à l’autre, que l’action se passait dans leur tête plutôt que dans leurs échanges. Ca aurait pu être une démonstration un peu pompeuse sur le thème de l’incommunicabilité, des fausses intentions que chacun prête à son partenaire dans un couple, de l’influence exercée par le passé, voire du déterminisme amoureux. C’était juste un portrait sans prétention, brossé à petites touches pleines de tendresse et de dérision, avec une multitude de détails justes et touchants. Du Delerm, quoi.
A part ça, j’ai beaucoup aimé la mise en scène simple, mais efficace et pleine de dynamisme, et notamment l’idée des deux moitiés séparées de table de restaurant. Hawk a cependant déploré de trop longues séquences de vieux films qui, diffusées sur un écran au fond de la scène, venaient casser le rythme de la pièce. Pour le reste, les comédiens n’étaient pas mal dans leur rôle, même si Fanny Duroisin mâchait un peu ses mots et qu’on avait parfois du mal à la comprendre. L’un dans l’autre, j’ai passé une très bonne soirée et vraiment pas regretté de m’être fait violence pour sortir.